La réconciliation : un mouvement d’espoir ou de culpabilité?

Par Karine Duhamel
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Visages sculptés en bois. Visibilité masquée.

Photo : MCDP, Aaron Cohen

Détails de l'histoire

Dans « Pourquoi la réconciliation? Pourquoi maintenant? », j’ai parlé de la réconciliation comme une invitation à créer un avenir nouveau pour tous et toutes, un chemin vers une vie meilleure autant pour les Autochtones et que pour le reste des Canadiens et des Canadiennes. En bref, je parlais de la réconciliation comme un mouvement d’espoir.

Dans mes fonctions de professeure adjointe, j’ai l’habitude de lancer des discussions en classe autour de la réconciliation. Lorsque je raconte l’histoire de mon arrière‐grand‐mère, du fait qu’elle a perdu sa mère à un jeune âge, de son entrée au pensionnat de St. Joseph et de l’effacement complet de son identité en tant qu’Autochtone, les élèves sont souvent mal à l’aise. Je les entends parler à voix basse, ou en petits groupes après le cours. J’entends des commentaires du genre « Je ne veux plus me sentir coupable », ou « Pourquoi devrais‐je me sentir coupable de ce que nos ancêtres ont fait dans le passé? » Ces sentiments reflètent un aspect de la réconciliation qui est fondamentalement mal compris, selon moi – cette idée fausse selon laquelle la réconciliation devrait être fondée sur la culpabilité plutôt que sur l’espoir.

La plupart des gens s’entendent pour dire que la culpabilité n’est pas un bon moteur de motivation. Lorsque je me sens coupable, je me sens aussi perdue et frustrée. La culpabilité mène les gens à se tourner vers le passé, parfois prisonniers d’émotions négatives comme l’angoisse, la colère ou la frustration. Elle les mène rarement à aller vers l’avant; plutôt, elle les garde pris dans le passé, dans une émotion dont ils ne peuvent se défaire.

À l’opposé de la culpabilité, il y a l’espoir. L’espoir traîne parfois une mauvaise réputation, surtout lorsqu’il s’agit d’oublier le passé. Cependant, si l’espoir naît d’une démarche proactive, où l’on connaît et comprend notre passé, c’est un espoir fondé sur l’action. Un tel espoir s’appuie forcément sur la volonté d’atteindre un but et nous pousse à réfléchir aux façons d’y parvenir.

L’espoir est une émotion axée sur l’avenir; il apporte les solutions.

Voilà pourquoi je préfère voir la réconciliation dans un contexte d’espoir, et non dans un contexte de culpabilité. Je ne nie pas pour autant qu’il existe un passé laid, mauvais et horrible que la société, y compris les gouvernements et les citoyens et citoyennes, se doit d’affronter, autant dans l’abstrait que dans le concret. Toutefois, la colonisation subsiste de bien des manières, et c’est seulement en se tournant vers l’avenir que l’on peut commencer à réparer les dommages. Autrement dit, le fait de reconnaître le passé dans un contexte d’espoir nous permet d’imaginer un moyen d’aller vers l’avant. Cela signifie tout simplement que pour trouver des solutions, il faut d’abord cesser d’être prisonnier de ce sentiment de culpabilité et imaginer un avenir meilleur pour nous tous et toutes.

Le moment n’a jamais été aussi propice pour le faire. Les récents événements dans les collectivités autochtones, qui ont fait la une de l’actualité, m’ont fait voir que malgré la douleur et la tristesse, il y a aussi une grande résilience et une volonté de créer un avenir plus beau pour tous et toutes. Nous pouvons y arriver, mais pas en empruntant la voie de la culpabilité. Se sentir coupable, c’est se sentir mal, là on on est. On ne peut aller de l’avant que si la réconciliation s’inscrit dans un processus d’espoir. Certains jeunes autochtones nous le montrent bien – la chanson Home to Me, écrite et enregistrée par des jeunes de la Première Nation de Grassy Narrows (qui ont également tourné le vidéoclip de la chanson), est la preuve que malgré les difficultés, les jeunes sont capables de voir un avenir meilleur. Laisser libre cours à son imagination, repenser le futur, ce n’est pas voir la vie en rose – c’est se tourner vers l’avenir. Pour composer avec les traces du passé, il ne faut pas rester dans le passé; il faut voir plus loin, dans un avenir que nous n’avons peut‐être pas encore imaginé, mais que seul l’espoir pourra nous donner.

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Citation suggérée : Karine Duhamel. « La réconciliation : un mouvement d’espoir ou de culpabilité? ». Musée canadien pour les droits de la personne. Publié . https://droitsdelapersonne.ca/histoire/la-reconciliation-un-mouvement-despoir-ou-de-culpabilite