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Allocution prononcée par Président-directeur général Stuart Murray à la série de conférence de l'Univesité du Manitoba « Réflexion sur les musées d'idées », le 9 septembre 2011

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Ce communiqué date de plus de deux ans

Ce communiqué date de plus de deux ans. Pour plus d’information, veuillez communiquer avec Amanda Gaudes de notre équipe des relations avec les médias.

Détails du communiqué

Winnipeg (Manitoba)

Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole devant cette assemblée. Cette série de conférences ce dialogue à la fois ouvert, public et essentiel sur les nombreuses questions complexes que l'on regroupe sous la bannière des droits de la personne englobe à mon avis tous les aspects de notre mandat et de notre responsabilité par rapport au Musée canadien pour les droits de la personne de se renseigner, de provoquer et d'avoir le courage d'aller voir dans les recoins sombres, même lorsque cela présente des difficultés, dans l'espoir que notre enquête puisse nous éclairer sur la meilleure façon d'élaborer ensemble un avenir meilleur. 

C'est pour moi un très grand privilège d'avoir été invité à vous adresser la parole. Je me souviens très clairement de mes jours comme jeune étudiant de premier cycle ici à l'Université du Manitoba lorsque, de l'autre côté du lutrin, je me voyais obligé de relever des défis qui, pour moi, étaient quelque chose de tout à fait nouveau. On nous permettait de poser des questions et de remettre les choses en question; on nous encourageait à apprendre à ne pas avoir peur qu'une nouvelle découverte puisse provoquer un changement dans notre perspective sur le monde. 

Bien sûr, c'était le début des années 70 : ma soif de la découverte et mon amour de la musique m'ont fait sortir de la salle de conférences afin de prendre la route comme directeur de tournée pour des groupes rock, notamment Blood, Sweat & Tears. Ces expériences m'ont aussi beaucoup appris.

Mais des idées ont germé pendant mon séjour ici à l'université – j'espère qu'il en est de même pour tout jeune étudiant dans n'importe quel établissement d'enseignement supérieur – et elles me sont restées tout au long de ma vie adulte. À tout le moins, la graine qui a été plantée ici à l'université m'a constamment servi de rappel que la volonté de mettre en cause les hypothèses et de nous exposer à de nouvelles façons de comprendre les choses est le seul moyen de trouver un terrain d'entente dans lequel nous pourrons relever nos plus grands défis; le genre de défis propres à l'humanité qui peuvent souvent paraître infiniment décourageants, mais qui demandent toutefois notre énergie et notre volonté si nous espérons voir s'établir de notre vivant une plus grande justice dans le monde.

J'aimerais être en mesure de vous dire que le plus intelligent de notre famille, c'est moi; mais cet honneur revient à ma fille, qui s'occupe actuellement à terminer ses études doctorales. La principale leçon que j'ai tirée de ses expériences, c'est que les études supérieures ne conviennent ni aux impatients ni aux timides comme, je présume, le confirmeront plusieurs personnes présentes ici dans la salle.

Mais je sais, en ce qui concerne les droits de la personne qui sont, de par leur nature, une question profondément humaine, extrêmement personnelle et souvent très chargée d'émotions que nous bénéficions des conseils éclairés que nous apportent l'art professoral et la recherche universitaire. Nous faisons réellement plus qu'en tirer avantage. Les connaissances et la recherche constituent un élément fondamental de nos activités. En fait, ce " principe fondamental de l'éducation ", comme on l'appelle souvent au musée, doit, au sens le plus large et le plus riche du terme, être un pilier central du travail du musée.

Je vous suis donc reconnaissant, et surtout à tous ceux et celles qui vont partager leurs compétences et leurs connaissances dans le cadre de cette série de conférences, de nous aider à construire et à façonner un Musée canadien pour les droits de la personne qui inspirera de nouveaux modes de pensée et incitera à l'action.

J'espère que vous vous considérez comme partenaire du musée; c'est à moi que revient le privilège de vous faire savoir que votre travail est essentiel car il nous permet d'en faire autant de notre côté. Je sais que certains d'entre vous ont déjà directement entamé des discussions avec des chercheurs du musée, et je suis très heureux que certains membres de notre personnel participeront à cette série de conférences afin de vous faire part de certaines de leurs idées et de vous parler en détail de l'approche du musée à l'art professoral, et des efforts que nous déployons pour instaurer des rapports réciproques entre le musée et la communauté universitaire au sens large.

Aujourd'hui, j'aimerais prendre quelques minutes pour vous parler non pas des progrès que l'on observe à l'extérieur du musée bien qu'il me fasse toujours plaisir de décrire ce qui rend ce bâtiment majestueux tellement emblématique mais plutôt de ce qui est susceptible de vous intéresser en ce qui concerne certains projets sur lesquels nous nous penchons à l'intérieur du musée.

J'aimerais vous faire part de certaines choses qui, à mon avis, ont connu un succès remarquable, ainsi que d'autres qui ont été controversées; je veux aussi m'assurer d'être aussi concis que possible de façon à ce qu'il nous reste du temps pour des questions à la fin. Vos commentaires sont importants pour moi. De mon point de vue, le dialogue s'avère toujours plus enrichissant que les discours, et je serai heureux de répondre à toutes vos questions.

Je vais d'abord vous parler des objectifs que nous espérons atteindre relativement à ce projet sans précédent que l'on appelle le Musée canadien pour les droits de la personne. Je vais les aborder l'un après l'autre de manière détaillée mais, si vous me permettez de généraliser, je vous dirai que nos objectifs se concentrent sur deux priorités majeures.

Le premier de ces objectifs joue un rôle relativement secondaire dans notre mandat de base, mais il s'agit de celui qui inspire beaucoup d'enthousiasme et d'intérêt pour le projet, et donc celui dont je vais vous parler en premier. Nous voulons que le Musée canadien pour les droits de la personne s'impose comme une force vivifiante pour la ville de Winnipeg. Et nous voulons, par ailleurs, que cette force crée un effet d'entraînement dans le Canada entier. Je crois que plusieurs d'entre vous ont entendu parler de Bilbao, une ville du Pays basque dans le nord de l'Espagne.

Ce qui m'a particulièrement frappé lorsque j'ai visité Bilbao l'an dernier, ce sont les nombreuses ressemblances avec notre ville de Winnipeg. Bilbao n'est pas une grande ville. Tout comme chez nous, la population est bien en‐deçà d'un million d'habitants. Tout comme Winnipeg, c'est une ville un peu isolée géographiquement. Il n'y a pas de grand centre urbain juste à côté, comme dans le cas d'Edmonton où Calgary n'est pas très éloigné, ou d'Ottawa qui compte Montréal parmi ses voisins. Aucun couloir économique et culturel qui pourrait se former naturellement. 

Bilbao est une ville construite sur des rivières. Des rivières sillonnent la ville tout comme elles le font ici et, comparativement, il fait passablement froid en hiver à Bilbao. Certes, on peut se tirer d'affaires à Bilbao avec un chapeau et des gants au lieu d'un parka rembourré de duvet provenant de Mountain Equipment Co‐op, mais le climat de la ville est nettement plus froid que dans les villes espagnoles du Sud. Pendant plusieurs années, Bilbao a fait son chemin tant bien que mal, les gens se débrouillant assez bien, dans un cadre de superbes ressources et d'attraits naturels.

Mais alors, en 1997, que s'est-il passé? Sur les berges d'une rivière, tout près du centre‐ville, le Musée Guggenheim a ouvert ses portes, et il n'est pas exagéré de dire que Bilbao a changé à tout jamais. Le musée reçoit un peu moins d'un million de visiteurs par an. Et vous pouvez imaginer les répercussions d'un tel achalandage sur une ville de taille moyenne. Le secteur riverain de la ville a été réaménagé. Un réseau métropolitain de transport a été dévoilé. Un centre de représentation a ouvert ses portes. Des parcs ont fait l'objet de renouvellement. L'arrivée des touristes, des étudiants et des chercheurs s'est traduite par un besoin accru de vols directs, et les bienfaits publics cumulatifs des nombreuses retombées de ce seul musée sont inestimables.

On peut donc se demander : Winnipeg pourra‐t‐elle devenir Bilbao? Bien qu'il importe de rester mesurés dans nos suppositions, une étude provinciale sur le nombre annuel de visiteurs potentiels au Musée canadien pour les droits de la personne a fixé ce nombre à 250 000 personnes, et il s'agissait là d'une estimation prudente.

Pensez‑y. Essayez d'imaginer ce que cela pourrait représenter pour notre ville, notre centre‐ville, nos universités, notre réputation à l'étranger si Winnipeg attirait un quart de million ou plus de visiteurs au Musée canadien pour les droits de la personne. 

Pratiquement parlant, lorsqu'un universitaire d'outre-mer qui s'intéresse aux droits de la personne planifie un congé sabbatique, ou qu'un jeune étudiant qui veut réaliser sa passion pour le changement social envoie sa demande à une école d'études supérieures je souhaite qu'ils penseront d'abord et avant tout à notre ville et à nos universités. Et quand une famille à l'étranger planifie des vacances au Canada, nous savons qu'elle va visiter Toronto ainsi que Vancouver. Mais nous voulons lui donner une raison convaincante de passer aussi quelques jours au centre du pays, ici à Winnipeg, dans la ville que nous nous sommes engagés à faire connaître comme la capitale canadienne des droits de la personne. Cette remontée civique est déjà une réalité, ou du moins en est à ses débuts.

Compte tenu du retour de la Ligue nationale de hockey, du musée, de notre nouvel aéroport et de quelques signes prometteurs de nouveaux développements au centre‐ville, nous avons commencé en tant que ville à mieux nous positionner pour prendre de grands pas en avant.

Mais je veux éviter toute possibilité de malentendus : l'une des conditions essentielles pour que le musée réussisse à attirer des touristes et des chercheurs consiste à gagner leur confiance en démontrant publiquement que la construction du musée est à la hauteur des normes les plus élevées d'inclusion, de participation et d'équité en matière de représentation. Si nous ne pouvons pas gagner cette confiance, cette bonne volonté, de quels résultats pourrons‐nous nous vanter?

Nous savons qu'il ne s'agit pas simplement de construire un musée et d'annoncer que nous sommes la nouvelle capitale des droits de la personne. Non. Il faut mériter le droit à cette distinction. Et nous prenons cela très au sérieux. Nous reconnaissons le besoin de démontrer que nous construisons cet édifice les portes grandes ouvertes, dans le cadre d'un dialogue ouvert et inclusif qui présente au public des possibilités de communiquer avec nous, de nous parler et de nous mettre au défi.

Nous devons agir de la sorte afin d'assurer que le Musée canadien pour les droits de la personne puisse mener à bien son deuxième objectif l'essentiel soit d'être un véritable catalyseur de changement, un centre d'espoir et d'optimisme, un centre d'action de 160 000 pieds carrés où les gens de toutes situations de vie peuvent vraiment avoir l'impression non seulement de faire partie de quelque chose mais aussi qu'ils sont directement concernés par l'effort collectif visant à édifier un monde meilleur.

Cette approche est très différente de celle qui aurait mené à la construction d'un tout autre musée.Il serait tout de même utile de construire un musée qui servirait essentiellement de centre d'apprentissage. Il n'y aurait rien de mal à cela. Plusieurs musées sont construits suivant cette philosophie. Mais nous pensons avoir la possibilité et même la responsabilité d'aller plus loin, d'habiliter nos visiteurs, et non seulement de les amener au musée pour apprendre, mais encore de leur mettre le stylo entre les doigts et les inviter à aider à écrire le prochain chapitre de l'histoire des droits de la personne au Canada.

Est‐ce la voie la plus facile? Non, pas du tout. Mais est‐ce la bonne voie? Nous croyons que oui. Et c'est ce que nous ont dit sans cesse les Canadiens. 

Suivant les conseils que nous avons reçus de plusieurs sources – à juste titre, je crois – la notion des droits de la personne suscite essentiellement le sentiment de vouloir passer à l'action. Dans les termes les plus clairs possibles, je ne peux pas simplement vous dire que je crois fermement au respect des droits de la personne. Ceci n'en est que la moitié.

Je peux vous dire que je crois en la protection de l'environnement et, effectivement, le fait d'en apprendre davantage sur les questions environnementales représente un premier pas essentiel. Mais pour qu'une transformation s'installe, la réflexion doit donner lieu à la mise en pratique. Ainsi, la promotion et l'élargissement de la protection des droits de la personne à travers le monde nécessitent un changement majeur de la pensée et de l'action.

Bien sûr, le Musée canadien pour les droits de la personne serait plus simple comme projet si nous n'étions pas préoccupés par ce deuxième objectif, celui qui traite de transformer le monde. Mais tel est le mandat que nous avons reçu et que nous devons exécuter. C'est ce à quoi les Canadiens s'attendent.

Une chercheuse a comparé le mandat du musée à sa propre recherche, et je pense qu'elle avait parfaitement raison. Elle m'a dit ce qui suit : Si ma recherche contribue à une meilleure compréhension dans mon champ d'études, elle aura prouvé sa valeur. Si elle améliore la connaissance de mes pairs, même dans une faible mesure, ma recherche aura rempli sa mission. En fait, m'a‑t-elle dit, si ma recherche ne contribue qu'à élargir mes propres connaissances, elle aura tout de même été une initiative utile. Mais si, dit‐elle, en raison de mon travail, quelqu'un regarde un petit coin du monde d'un point de vue légèrement différent et qu'il se produit ensuite un changement subtil mais significatif dans les comportements, rien ne justifie aussi bien la raison pour laquelle on déciderait de se lancer dans des études universitaires.

Le Musée canadien pour les droits de la personne doit mener ces deux démarches simultanément. Nous devons devenir un centre d'excellence pour l'apprentissage, l'enseignement et l'art professoral. Mais nous devons également habiliter nos visiteurs et leur fournir des avenues pour leurs connaissances, et favoriser et susciter les mesures nécessaires pour éliminer les obstacles qui barrent encore la route vers les droits universels.

Qu'est-ce que cela signifie dans la pratique? Essentiellement, cela signifie qu'il faut profiter des occasions d'apprentissage et y ajouter des occasions de dialogue. Nous devons aborder ensemble ces questions pour implanter des changements. Nous devons permettre à nos visiteurs de parler de la responsabilité individuelle qui incombe à chacun d'entre nous de protéger et de promouvoir les droits de la personne, et de notre responsabilité collective en tant que communauté. Nous devons façonner un dialogue concernant la reconnaissance des violations des droits de la personne et les mesures à prendre par la suite. Il y a aussi toute la question de comment on fait pour créer un climat ou une culture des droits de la personne; un climat qui empêche de façon proactive la violation des droits de la personne.Et, parce que la notion des droits de la personne peut ne pas être la même pour vous que pour la personne assise à côté de vous, nous devons entamer un dialogue au sujet de ce que nous voulons dire exactement lorsque nous parlons des droits de la personne. Parce que ces différentes perspectives sont à la fois indispensables et primordiales, il nous faut aussi une langue commune, car la promotion des droits de la personne ne se fait pas en général par les actions individuelles de quelques personnes. Il est essentiel d'identifier un terrain d'entente.

Je me tourne vers vous dans cette salle pour aider à orienter une partie de ce dialogue, et je crois que cette série de conférences continuera à indiquer la voie à suivre vers ces réponses. À mon avis, ce sont des questions importantes. Que sont les droits de la personne? On peut certainement se tourner vers la Déclaration universelle des droits de l'homme pour acquérir une compréhension commune, mais en quoi ce document représente‐t‐il une application contemporaine?

En tant que président‐directeur général du musée, quand j'entends le terme " droits de la personne ", il n'y a pas de définition unique qui me vient à l'esprit. Pour moi, " droits de la personne " est un terme générique qui englobe les droits linguistiques, les droits de chacun des sexes, les droits des personnes atteintes d'invalidité, les droits des Autochtones. Mais le terme pourrait avoir une toute autre signification pour vous. Aussi : devons‐nous distinguer les droits de la personne, par exemple, et la justice sociale? Dans l'affirmative, comment pouvons‐nous y parvenir? Vers quoi allons‐nous d'abord porter notre regard et diriger nos énergies? Et jusqu'où irons‐nous? Où se situe l'équilibre entre le traitement de ce que certains pourraient qualifier de droit, au Canada, à des services convenables de garde d'enfants, et le droit à l'eau potable, ou à l'enseignement de base dans des pays situés à l'autre bout du monde?

À mon avis, toutes les réponses sont légitimes et il est possible qu'il n'y ait pas de grandes différences entre toutes ces questions. Il se peut que ces questions spécifiques illustrent la tendance selon laquelle les femmes sont touchées de façon disproportionnée par la pauvreté. Ou non.

Il est néanmoins évident que le fait de discuter de ces questions nous permet de développer une compréhension commune et une empathie à l'égard de points de vue divergents relativement aux droits de la personne. Ainsi, le musée doit être un forum de dialogue et il doit prendre très au sérieux ses relations avec les gens comme vous rassemblés dans cette salle, parce que l'étude, l'analyse et le débat sont ce que les universités font le mieux.

Au musée, nous sommes extrêmement reconnaissants d'avoir accès à des compétences très riches pour faire avancer le dialogue que nous avons engagé jusqu'à présent. J'ai mentionné plus tôt l'idée que le Musée canadien pour les droits de la personne doit établir des rapports de confiance afin de réaliser efficacement notre mandat. L'écoute et l'apprentissage ont été un élément vital de ce processus. Le fait d'engager un dialogue critique a été un élément vital de ce processus. Le personnel du musée est incroyablement talentueux; on y retrouve des gens qui ont travaillé et étudié partout dans le monde. Je suis fier de leur travail. Mais chacun de nous au MCDP reconnaît que ce musée appartient au peuple du Canada et que c'est donc la consultation avec les Canadiens qui doit nous guider dans cette entreprise.

Dre Rhonda Hinther, notre chef de la conservation que nous avons pu reprendre de l'Université Carleton et le Musée canadien des civilisations, participera à cette série de conférences dans quelques semaines; je sais qu'elle parlera en détail de la philosophie de recherche que nous avons adoptée au musée, laquelle est fondée sur un partenariat externe et une approche participative à la recherche. Et bien que nous ayons la responsabilité d'établir des alliances avec des universités au Canada et à l'étranger, nous sommes ravis que chacune de nos universités au Manitoba ait adopté ce projet avec tant de ferveur, offrant son expertise, son encouragement et des critiques de nature positive. 

Grâce au Centre for Human Rights Research ici à l'Université du Manitoba, au Global College à l'Université de Winnipeg, à l'engagement relativement à ces questions de la part de l'Université de Saint‐Boniface, de Menno Simons College et de Red River College, entre autres, il ne fait aucun doute à mon avis que Winnipeg est en voie de devenir l'épicentre de la recherche sur les droits de la personne au Canada.

C'est Arthur Mauro de Winnipeg qui a été parmi les premiers à définir cette vision, et on constate que les choses commencent à bouger. Nous n'en sommes pas encore là, mais une bonne part du chemin a été faite.

Au‐delà du milieu universitaire, nous avons eu des discussions tout aussi fructueuses. Je suis très fier de vous dire que le Musée canadien pour les droits de la personne a maintenant consulté près de 3 000 Canadiens de plus de 20 villes dans le cadre de tables rondes, d'ateliers et d'entretiens en face‐à‐face. Cette consultation publique est indispensable à notre travail, et elle continue. Ce processus nous rend‐il vulnérable? Oui, tout à fait. Ce processus fait‐il en sorte que nous nous montrons encore plus ouverts à la critique, et parfois même à la critique intense? Oui, tout à fait. Mais y a‑t‐il un meilleur moyen d'assurer que nous allons instaurer une relation de confiance, résoudre les problèmes et tirer des leçons de l'expérience vécue de Canadiens de toutes situations de vie? Non. Il n'y a pas d'alternative. Il faut faire l'effort de surmonter les obstacles et d'échanger avec les gens.

Ce travail de consultation publique est également important parce qu'il représente une bonne occasion de tirer au clair les objectifs du Musée canadien pour les droits de la personne. Beaucoup s'imaginent à tort – et je reconnais que nous devons continuer à nous efforcer d'être plus clairs sur ce point – que le Musée canadien pour les droits de la personne est essentiellement un centre de commémoration de génocides. En d'autres mots, pas un musée des droits de la personne, mais bien des torts de la personne qui revient sur les horreurs et les atrocités que les êtres humains se sont infligées au cours de l'histoire. Non. Ce n'est pas là notre rôle. 

Il est essentiel que nous soyons attentifs aux enseignements de l'histoire, mais il n'est pas question de commémorer les atrocités humaines. Pour deux raisons. D'abord, parce qu'il existe un grand nombre de musées et de monuments qui remplissent déjà particulièrement bien cette fonction. Ensuite, parce que notre procédure ne se résume pas à demander : " N'est-il pas regrettable qu'un événement aussi épouvantable ait pu avoir lieu? "; nous choisissons au lieu de demander : " Comment pouvons‐nous construire des sociétés où de telles violations des droits ne se reproduiront plus jamais à l'avenir? Comment pouvons‐nous édifier une culture qui protégera mieux les droits universels? " Qu'il soit question de l'Holocauste, de l'Holodomor, des émeutes dirigées contre les Sikhs, de l'expulsion des Canadiens noirs de la communauté d'Africville, de l'impôt de capitation imposé aux Chinois ou de l'atrocité des pensionnats au Canada le musée doit se donner comme rôle de dépasser l'affirmation de la grande souffrance de ces personnes; il doit au lieu mettre à profit la force de leurs témoignages, ces récits si humains et exceptionnellement dignes de l'expérience vécue pour que nous puissions ensuite nous engager à édifier une culture des droits de la personne qui est davantage capable de reconnaître les actions et les comportements qui mènent à des violations des droits lorsque ces comportements ne sont pas maîtrisés.

Prenons par exemple le rôle de l'Holocauste au musée : l'objectif ne sera pas de commémorer la souffrance des victimes. Il s'agira plutôt de comprendre comment une société moderne, avancée et démocratique a pu sombrer si rapidement et avec une telle violence dans le génocide. C'est une expérience dont nous pouvons tirer un enseignement précieux. 

De la même façon, nos visiteurs trouveront à l'intérieur des murs du musée des leçons à tirer d'autres atrocités du passé. Une comparaison des souffrances d'un individu par rapport à un autre? Pas au musée. Jamais. Cela n'a jamais été considéré. Et si nous devons nous exprimer plus clairement sur cette question, nous n'hésiterons pas à le faire. Il ne fait aucun doute que j'ai entendu les préoccupations, entre autres exemples évidents, de la communauté ukrainienne‐canadienne. Lorsque je rencontre Paul Grod au Congrès des Ukrainiens Canadiens ou quand je prononce une allocution à la communauté ukrainienne ici à Winnipeg au cours du Malanka, la célébration du Nouvel An j'entends des inquiétudes profondes par rapport à ce que les gens lisent dans les journaux. Et cela me rappelle à quel point il est important de poursuivre cette discussion sur le véritable rôle du Musée canadien pour les droits de la personne.

Le musée se prêtera‐t‐il au classement des génocides et à la comparaison des souffrances? Non. Absolument pas. Sera‐t‐il un centre de dialogue sur le rôle que chacun de nous pourra jouer dans la promotion des droits de la personne et sur notre contribution à un monde plus équitable et plus juste? Oui. Tel est notre objectif. 

Je veux également insister sur le fait qu'il n'existe pas de carte routière spéciale qui nous sert de guide dans les détails de notre travail. Nous avions, par exemple, un groupe très respecté de défenseurs des droits de la personne et de chercheurs nommé comme comité consultatif sur le contenu. Les travaux du comité ont pris fin il y a environ 18 mois; il a exécuté son mandat en entamant des consultations approfondies, très productives et fort enrichissantes avec un très grand nombre de Canadiens. Il y a un peu plus d'un an, le comité a présenté ses conclusions et ses recommandations dans un rapport. Le musée a favorablement accueilli ce rapport ainsi que ses conseils judicieux et nous sommes reconnaissants au comité consultatif sur le contenu pour ses travaux. Ce rapport s'est avéré utile en grande partie. 

Mais le Musée canadien pour les droits de la personne n'a pas de bible. Les travaux du comité consultatif sur le contenu ne représentent pas le guide définitif et incontestable de construction d'un musée des droits de la personne. Si c'était le cas, nous ne verrions aucun intérêt ou nécessité à entreprendre un projet de recherche exhaustive, ou à avoir consulté des centaines de Canadiens depuis la fin des travaux du comité, ou à prendre des incitatives telles que le lancement cette année de notre projet vraiment intéressant d'histoire orale.

À mon avis, il est de notre responsabilité de toujours garder l'oreille ouverte, de continuer à favoriser le dialogue et d'être disposés à répondre directement aux préoccupations afin de gagner la confiance très importante du public. En passant, si vous entendez quelque chose, si vous vous inquiétez de quelque chose ou si vous voulez en savoir plus sur quelque chose communiquez avec nous. Demandez‐moi ou demandez à Rhonda, à Tricia ou à Armando lorsqu'ils seront ici au cours des prochaines semaines dans le cadre de cette série; visitez‐nous sur Facebook ou appelez‐nous directement.

J'aimerais mentionner brièvement certaines choses qui, à mon avis, illustrent bien à quel point nous prenons au sérieux nos responsabilités d'établir la confiance en faisant bien ce qui doit être fait.

Premièrement, nos relations de plus en plus soutenues avec les peuples des Premières nations, les Inuits et les Métis du Canada. Quand vous venez visiter le musée, vous mettez les pieds sur la terre du Traité no 1. Vous êtes également aux portes du lieu historique de l'occupation d'Upper Fort Garry par les Métis et du gouvernement provisoire de Louis Riel qui a donné naissance à la province du Manitoba, telle que nous la connaissons aujourd'hui. Nous sommes d'avis que ces considérations à elles seules nous confèrent une grande responsabilité; toutes ces raisons expliquent pourquoi il est nécessaire de tisser l'identité autochtone dans les fondations du musée.

Dans chaque trou de forage creusé pour y placer les piliers et caissons du musée, en tout plus de 500 trous, un sachet médicinal contenant de la sauge, du foin d'odeur, du cèdre et du tabac bénis par un ancien a été placé dans le sol avant le coulage du béton. Le musée comportera aussi une terrasse extérieure, bordée de plantes sacrées, où les visiteurs pourront participer à une cérémonie de purification. 

Bien que ces initiatives soient importantes – et elles le sont – elles sont également insuffisantes. Le plus important, c'est la volonté de s'attaquer directement aux obstacles omniprésents auxquels sont confrontés les peuples autochtones encore aujourd'hui.

J'ai grandi en Saskatchewan juste à côté d'une réserve, mais il n'a jamais été question des pensionnats. Bon nombre, voire la plupart, des gens dans cette salle ont grandi sans jamais avoir à réellement faire face à l'héritage négatif laissé par le régime des pensionnats. La plupart des Canadiens ont appris très peu de choses concernant l'ampleur des effets que le régime de pensionnats continue d'exercer sur les peuples autochtones encore de nos jours. C'est une honte nationale qui a été reléguée à l'ombre depuis trop longtemps.

Mais tout ça va commencer à changer dès que le Musée canadien pour les droits de la personne ouvrira ses portes. Nous prenons cette question très au sérieux. J'ai pris cet engagement devant la Commission de vérité et de réconciliation à Vancouver et je l'affirme aujourd'hui.

Au musée, cela signifie dans la pratique que nous allons bien au‐delà du symbolique en vue d'assurer que les Autochtones ne jouent pas simplement un rôle consultatif, mais qu'ils ont une participation active dans la direction de ce processus. Un des postes au musée est celui de Conseiller exécutif et chef des relations avec les Autochtones. Il s'agit d'un poste de direction. Notre chef des relations avec les Autochtones est appuyé par un groupe d'anciens et de jeunes qui fournissent une orientation et des conseils; ils ont su relever le défi, de manière très compétente, pour assurer que nous parvenions à un bon résultat. Il n'y a aucun doute que les besoins en matière de guérison, de renforcement de la confiance et de conciliation sont énormes. Mais nous devons faire l'effort. Comme je l'ai déjà dit, il ne faut pas craindre d'aller voir dans les recoins sombres. Nous devons démolir les stéréotypes et faire tomber les obstacles.

Cela n'a rien à voir avec une compassion à l'égard des opprimés. Il s'agit plutôt de renforcement de l'autonomie ainsi que de rapprocher les gens et de faire face à la réalité que les peuples autochtones du Canada ont été exclus comme catégorie " autre " pendant trop longtemps. Je suis reconnaissant aux nombreuses personnes, autochtones et non autochtones, qui non seulement nous aident à faciliter ce processus, mais qui le dirigent pour assurer que les choses soient faites comme il faut.

Deuxièmement : Je suis fier du travail que nous faisons par rapport à l'accessibilité et pour assurer que chaque personne qui passe par nos portes puisse participer d'égal à égal. Il est essentiel, à notre avis, que la construction du Musée canadien pour les droits de la personne comprenne un engagement de notre part envers les droits de la personne et la suppression des obstacles, et que cet engagement soit intégré à toutes nos activités. Si vous visitez le musée en fauteuil roulant, vous aurez accès à tous les secteurs de l'édifice. Si vous visitez notre site Web mais que votre vue est affaiblie, vous pourrez prendre connaissance de tout le contenu. Si vous vous intéressez à une de nos expositions à écran tactile et que vous avez une déficience des habiletés motrices, vous pourrez profiter du contenu comme tout le monde.

Vu que le démantèlement des obstacles est au cœur même du mandat du musée, quel meilleur point de départ pour cela que notre propre édifice et notre propre contenu? Je reconnais l'engagement de la communauté des personnes handicapées, tant ici au Manitoba qu'à l'extérieur de la province, qui ont été si disposées à partager leurs compétences et leurs expériences avec nous. 

Je tiens aussi à remercier les membres de notre nouveau groupe d'essais national, lequel se compose de Canadiens qui utilisent tous une technologie d'adaptation pour accéder aux sources électroniques d'information; ce groupe évaluera l'ensemble de notre contenu numérique afin d'en garantir la plus grande accessibilité possible. Comme l'information se présente de plus en plus sous forme numérique, les contributions de ce genre sont inestimables pour un musée comme le nôtre; nous sommes reconnaissants à nos partenaires qui nous assistent en vue de réellement monter la barre en ce qui concerne la démocratisation de l'information numérique. À notre avis, le Musée canadien pour les droits de la personne doit chercher à établir le niveau d'universalité à l'accès le plus élevé possible. Bien que cela soit important pour notre musée, cette norme relève aussi la barre des exigences pour d'autres institutions. Et nous voulons partager ce savoir‐faire.

Troisièmement : Je pense que nous sommes sur la bonne voie par rapport au rôle que l'éducation joue déjà au sein du Musée canadien pour les droits de la personne. Cela est essentiel. Aussi majestueuse que s'annonce la structure physique, nous sommes convaincus que l'influence du musée devra s'étendre bien au‐delà de nos murs. Grâce aux rapports que nous avons pu établir avec les écoles, les enseignants, les ministres de l'éducation partout au Canada, les commissaires d'école, les leaders d'opinion en éducation et les étudiants eux‐mêmes, nous allons pouvoir respecter notre engagement de mieux intégrer l'apprentissage des droits de la personne dans les programmes scolaires. 

Les jeunes, vous savez, n'ont aucune difficulté à comprendre ce genre de choses : la tolérance, l'empathie, la compréhension, le respect, l'acceptation des différences. Les enfants devancent souvent de loin les adultes par rapport à ces concepts. Et les enfants qui apprennent à célébrer les différences et à reconnaître l'injustice et l'inégalité sont ceux qui sont plus susceptibles de se développer pleinement en tant qu'adultes tolérants et compréhensifs. Ce que nous ici présents appelons " expressions de préjugés ", les enfants appellent par un autre nom : l'intimidation. Les jeunes comprennent, de façon intuitive, que le moment indiqué pour prendre la défense des droits de la personne n'est pas quand ils auront 18 ans ou 25 ans ou 40 ans. Le moment, c'est aujourd'hui!

En général, je suis quelqu'un de positif. Mais si vous me permettez un petit commentaire négatif, je vous dirai que l'une des choses que je ne peux vraiment pas supporter, c'est d'appeler des groupes de jeunes les " dirigeants de demain ". J'espère sincèrement que toutes les salles de classe que nous visiterons seront remplies d'étudiants qui seront effectivement connus comme des dirigeants d'ici quelques années. J'espère sincèrement que vous, les étudiants ici présents, serez effectivement connus comme des dirigeants lorsque vous aurez mon âge. Mais nous ne pouvons pas attendre à demain. Le monde a besoin de vous dès maintenant. Nous avons besoin de votre leadership, de vos idées, de votre engagement à changer le monde en ce moment. C'est ça, le message que nous faisons passer aux écoles, et c'est un message essentiel que je tiens à souligner auprès de vous aujourd'hui.

Nous avons récemment accueilli un nouveau membre du personnel, un spécialiste en éducation très qualifié et chevronné qui a de solides connaissances dans le domaine des droits de la personne; son travail est de s'assurer que nos bonnes relations avec les écoles et les universités ne vont cesser de croître.

Pensez‑y : ce projet sans précédent est maintenant bien engagé. Il se passe déjà des choses formidables. Nous faisons face à quelques difficultés légitimes, à des défis que nous acceptons volontiers; à mon avis, il y a des domaines dans lesquels nous définissons vraiment de nouvelles normes, où nous mettons la barre un peu plus haut en démontrant qu'il est possible de travailler de façon plus inclusive et plus équitable, de manière à contribuer à l'idée qu'il est réellement possible de cultiver une culture des droits de la personne. 

Mais comme partout ailleurs, le musée ne possède que la force des gens qui l'appuient ainsi que leurs idées et leur engagement. Je voudrais terminer en vous demandant à nouveau non seulement votre appui, mais votre participation. Non seulement votre enthousiasme insurpassable, mais vos idées, vos critiques et votre vision de ce monde que nous partageons.

Je suis extrêmement reconnaissant pour cette série de conférences parce que c'est grâce à vos idées et à votre curiosité que le Musée canadien pour les droits de la personne deviendra encore plus fort. Je ne veux pas vous donner l'impression que je suis d'un âge avancé, mais il n'y a pas si longtemps, il n'y avait aucune véritable discussion publique sur ces questions. Cela se passait peut‐être dans nos universités, mais pas de manière significative en dehors de ces murs. La porte du débat sur les droits de la personne est maintenant grande ouverte. Nous avons fait tomber un obstacle. Travaillons ensemble pour en faire tomber un autre.

Merci d'avoir bien voulu m'inviter.

1 Dan Lett, "Measured Museum Debate Welcome," Winnipeg Free Press, le 6 septembre 2011, A5. 

Ce communiqué date de plus de deux ans

Ce communiqué date de plus de deux ans. Pour plus d’information, veuillez communiquer avec Amanda Gaudes de notre équipe des relations avec les médias.

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