Un drapeau canadien pour l’égalité

Préserver une partie de l’histoire des droits de la personne au Canada

Par Rémi Courcelles
Publié : le 13 avril 2020

Un drapeau canadien flotte au sommet d’une grande tour. Au premier plan se dresse la statue d’une femme voilée portant une épée. Visibilité masquée.

Photo : La Presse canadiene, Lars Hagberg

Détails de l'histoire

Si vous avez déjà visité la capitale nationale, vous l’avez sûrement vu : perché au sommet de la Tour de la Paix sur la Colline du Parlement à Ottawa, un énorme drapeau canadien flotte au‐dessus des édifices législatifs ornés de toits verts en cuivre. Chaque jour de semaine, le drapeau est changé et un nouveau drapeau est hissé. La collection du Musée comprend maintenant le drapeau qui flottait au sommet de la Tour de la Paix lorsque les droits à l’égalité ont reçu une protection constitutionnelle pour la première fois.

Le 17 avril 1985, l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés est entré en vigueur. Toutes les personnes au Canada ont finalement été explicitement égales devant la loi et en vertu de la loi. Cette histoire raconte ce qui a mené à cette journée marquante pour les droits de la personne au Canada, et les gens qui ont rendu cela possible.

Des porte‐parole pour les droits des personnes handicapées et les droits des femmes, des leaders autochtones et des représentants et représentantes de diverses communautés ethniques et religieuses se sont mobilisés pour une meilleure protection des droits. 

Au départ, les personnes en situation de handicap étaient exclues de l’article 15. Les personnes et les organisations qui défendaient les droits des personnes handicapées se sont battues énergiquement pour qu’elles soient incluses dans les nouvelles protections constitutionnelles du Canada. David Lepofsky a participé à cette lutte par son travail de défense des droits à l’INCA. Avec peu de ressources, peu de préavis, et alors qu’il étudiait pour ses examens du barreau, Lepofsky a préparé et fait une présentation clé devant le comité de la Chambre des communes responsable de la réforme constitutionnelle. Et, quand il a eu l’impression que la protection des personnes handicapées ne serait pas incluse dans la nouvelle loi, il a transmis son message aux médias.

Video : David Lepofsky

Les organisations de défense des droits des femmes ont également fait pression sur le gouvernement pour obtenir des garanties plus solides, car dans les années 1970, de plus en plus de femmes se mobilisaient et prenaient conscience de leur manque de droits. Lorsque le gouvernement fédéral a annulé une conférence officielle du Comité consultatif canadien sur la situation de la femme pour discuter d’amendements possibles à la Charte touchant les droits des femmes, disant aux organisatrices de ne pas s’inquiéter et qu’ils allaient « s’en occuper », les femmes leaders n’étaient pas convaincues qu’elles réussiraient encore à se faire entendre. Ensemble, elles ont formé le Comité spécial des femmes canadiennes sur la Constitution et ont décidé de tenir la réunion quand même. 

Ainsi, les 13 et 14 février 1981, plus de 1 000 « ad hockeuses », comme on les appelait, de partout au pays se sont rendus sur la Colline du Parlement pour discuter des amendements et s’assurer que les droits à l’égalité seraient protégés par la Constitution, ce qui a attiré l’attention nationale. L’une des organisatrices de la conférence était l’honorable Marilou McPhedran, qui a été nommée membre de l’Ordre du Canada en reconnaissance de ses efforts, puis nommée au Sénat du Canada.

Video : Sénatrice Marilou McPhedran

Grâce aux efforts dévoués de militants et de militantes comme la sénatrice McPhedran et David Lepofsky, ainsi que des nombreuses autres organisations qui ont défendu l’égalité des droits, l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés a été modifié pour offrir de meilleures garanties à tout le monde au pays. La clause a également été rebaptisée de « Droits à la non‐discrimination » à « Droits à l’égalité » pour refléter le fait que la véritable égalité va au‐delà de la simple non‐discrimination. Aujourd’hui, l’article 15 se lit comme suit :

Droits à l’égalité

15(1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

(2) Le paragraphe (1) n’a pas pour effet d’interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.

Un moratoire sur l’article 15

La nouvelle Charte des droits et libertés est entrée en vigueur le 17 avril 1982. Son principal objectif était de faire en sorte qu’on ne puisse plus adopter des lois discriminatoires sans courir le risque que ces lois soient considérées comme inconstitutionnelles par les tribunaux. Alors que certains s’opposaient à cette mesure qui limitait les pouvoirs du Parlement, beaucoup d’autres la considéraient comme une étape nécessaire pour garantir que les droits et libertés de tous et de toutes seraient protégés des abus gouvernementaux. En fin de compte, les droits et libertés fondamentaux ont été enchâssés dans la Constitution, ajoutant d’importants obstacles juridiques à l’utilisation arbitraire du pouvoir de l’État.

Une photographie en noir et blanc de personnes qui se font embarquer dans des camions alors que d’autres derrière elles font la queue.

Des Canadiens et des Canadiennes d’origine japonaise se faisant embarquer dans des camions pour être réinstallés dans des camps d’internement à l’intérieur de la Colombie‐Britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, avant que la Charte canadienne des droits et libertés soit adoptée.

Photo : Bibliothèque et Archives Canada, Tak Toyota, C-046350

Au cours des négociations constitutionnelles, tous les ordres de gouvernement craignaient d’être reconnus comme ayant enfreint la clause d’égalité en raison de ses importantes répercussions sur les politiques et lois en vigueur. C’est pourquoi le gouvernement fédéral a décidé d’imposer un moratoire de trois ans pour retarder l’entrée en vigueur de la clause. Cette mesure visait à donner aux administrations fédérale, provinciales et territoriales le temps d’examiner leurs politiques et leurs lois et d’apporter les changements nécessaires. L’article 15 est entré en vigueur le 17 avril 1985, exactement trois ans après l’entrée en vigueur de la Charte des droits et libertés.

Dépôt immédiat de plaintes pour discrimination

Le même jour où la clause d’égalité est entrée en vigueur, le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes (FAEJ) a lancé trois contestations judiciaires distinctes contre des pratiques gouvernementales discriminatoires en invoquant l’article 15. Le FAEJ a été cofondé par un groupe de femmes, dont la sénatrice McPhedran et l’honorable sénatrice Nancy Ruth, qui a travaillé à ses côtés comme l’une des dirigeantes du Comité spécial des femmes canadiennes sur la Constitution. 

Il était important de continuer à tenir nos gouvernements responsables et il était important de dénoncer les gouvernements qui mentaient sur ce qu’ils faisaient et ne faisaient pas (pour se conformer à la Charte). 

Sénatrice Marilou McPhedran

En raison du rôle crucial que la sénatrice Nancy Ruth a joué dans la mise en œuvre de la clause d’égalité, le drapeau qui flottait le jour où l’article 15 est entré en vigueur lui a été offert en cadeau. La sénatrice Nancy Ruth a fait don du drapeau au Musée canadien pour les droits de la personne en 2018 en vue de sa préservation.

Conserver un symbole d’égalité

Lorsque le Musée a reçu ce drapeau symbolique, il se trouvait dans une boîte de présentation en bois. Le personnel chargé de l’enregistrement et de la conservation du Musée a inspecté le grand drapeau pour déterminer ce qui serait nécessaire à sa préservation à long terme. Avec l’aide de Parcs Canada, le personnel du Musée a lavé le drapeau avec un détergent non corrosif pour prévenir la détérioration.

Il est rare de recevoir un objet aussi grand que ce drapeau. Il a attiré une foule de membres du personnel et de bénévoles du Musée qui voulaient voir cette pièce spéciale de l’histoire des droits de la personne au Canada. 

Stephanie Chipilski, technicienne en conservation au Musée

Le drapeau est maintenant conservé dans un entrepôt climatisé, à l’abri de toute exposition dangereuse à la lumière. À l’occasion, le drapeau sera exposé aux visiteurs et visiteuses du Musée afin de s’assurer que l’histoire des droits à l’égalité au Canada continue d’être racontée.

Préserver le drapeau

Une femme portant des gants de protection et un tablier inspecte un grand drapeau du Canada, posé à plat sur une table.

Inspection et lavage du drapeau. Collection du Musée canadien pour les droits de la personne, don de l’honorable Nancy Ruth, C.M., P2018-8-1.

Photo : MCDP, Aaron Cohen
Deux femmes portant des gants et des tabliers de protection lavent un drapeau canadien dans un grand évier.

Inspection et lavage du drapeau. Collection du Musée canadien pour les droits de la personne, don de l’honorable Nancy Ruth, C.M., P2018‑8–1.

Photo : MCDP, Aaron Cohen
Deux femmes portant des gants et des tabliers de protection mesurent la longueur d’un grand drapeau du Canada, posé à plat sur une table.

Inspection et lavage du drapeau. Collection du Musée canadien pour les droits de la personne, don de l’honorable Nancy Ruth, C.M., P2018‑8–1.

Photo : MCDP, Aaron Cohen
Deux femmes portant des gants et des tabliers de protection autour d’un grand drapeau du Canada, posé à plat sur une table.

Inspection et lavage du drapeau. Collection du Musée canadien pour les droits de la personne, don de l’honorable Nancy Ruth, C.M., P2018‑8–1.

Photo : MCDP, Aaron Cohen
Une femme portant des gants de protection et un tablier prend des notes derrière un drapeau du Canada, posé à plat sur une table à l’avant-plan.

Inspection et lavage du drapeau. Collection du Musée canadien pour les droits de la personne, don de l’honorable Nancy Ruth, C.M., P2018‑8–1.

Photo : MCDP, Aaron Cohen
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Un symbole qui perdurera

Ce n’est pas tous les jours qu’une constitution est révisée ou réécrite. Dans de tels moments, ce sont souvent ceux et celles qui sont directement touchés par des lois injustes ou dont les droits n’ont pas été entièrement respectés qui revendiquent de meilleures protections.

Entre 1980 et 1982, des milliers de personnes et d’organisations se sont mobilisées pour exiger une meilleure protection des droits. Grâce à leurs efforts, la Charte canadienne des droits et libertés garantit que nos droits et libertés sont garantis également par la Constitution.

Bien que la Charte soit entrée en vigueur trois ans auparavant, le 17 avril 1985 a été le premier jour de l’histoire du Canada où tous les Canadiens et toutes les Canadiennes ont été considérés sur un pied d’égalité. Le drapeau canadien qui a flotté sur la Colline du Parlement ce jour‐là restera le symbole de l’égalité des droits pour les générations à venir. Le Musée est honoré de contribuer à ce qu’il en soit ainsi.

Questions de réflexion :

  • Où est‐ce que je vois de la discrimination dans ma communauté?

  • Que puis‐je faire pour assurer l’égalité pour tous et toutes?

  • Quel est le rôle des musées dans la préservation de symboles importants pour l’avenir?

Citation suggérée

Citation suggérée : Rémi Courcelles. « Un drapeau canadien pour l’égalité ». Musée canadien pour les droits de la personne. Publié le 13 avril 2020. https://droitsdelapersonne.ca/histoire/un-drapeau-canadien-pour-legalite