L’exposition Mandela : Lutte pour la liberté, qui ouvrira au Musée en juin 2018, porte sur Nelson Mandela et sa lutte contre l’apartheid, un système de suprématie blanche qui était en vigueur en Afrique du Sud. La commissaire d’exposition Isabelle Masson, et de nombreux autres membres du personnel du Musée, travaillent d’arrache-pied pour créer l’exposition Mandela et veiller à ce qu’elle soit prête pour l’ouverture. Dernièrement, j’ai eu l’occasion de m’asseoir avec Isabelle et de parler avec elle de l’exposition, de son travail, et de son lien personnel avec la lutte de Nelson Mandela.
La création de Mandela : Lutte pour la liberté
La vie d’une Canadienne changée par un voyage en Afrique du Sud
Par Matthew McRae
Publié : le 10 mai 2018
Mots-clés :
Détails de l'histoire
Pourquoi cette exposition est‐elle importante pour vous, personnellement?
Je suis allée en Afrique du Sud en 1994, l’année où les premières élections démocratiques ont eu lieu dans ce pays. Ce voyage a complètement transformé ma vie. J’étais une jeune femme, j’aimais la littérature et le cinéma et j’étais convaincue que mon côté artistique allait donner le ton à toute ma vie, mais cette expérience m’a fait prendre conscience à quel point la politique me fascinait. Après avoir passé près d’un an en Afrique du Sud, je suis revenue au Canada et j’ai décidé d’étudier en sciences politiques.
Comment fait‐on le lien entre l’histoire de Mandela et les droits de la personne?
Si l’on veut réfléchir aux liens entre les droits de la personne et l’histoire de Mandela, il faut d’abord expliquer l’apartheid. L’apartheid était un système dans lequel l’oppression et la ségrégation raciale étaient généralisées et renforcées en Afrique du Sud. Il faut savoir que les droits et libertés de la majorité de la population ont été niés pendant très longtemps, que les gens étaient dépossédés de leur maison, de leurs terres. Alors, pour commencer l’histoire, nous aidons les gens à comprendre à quel point la société sud‐africaine était injuste et inégale à l’époque où Mandela a grandi et est devenu politisé. Puis nous présentons Mandela – le personnage principal de l’exposition – qui se dresse et s’oppose à ces lois injustes. L’histoire que l’on présente ensuite est la sienne, mais aussi l’histoire plus vaste de la lutte pour la liberté en Afrique du Sud.
Qu’est-ce que vous avez le plus aimé en travaillant sur cette exposition?
Eh bien, c’est merveilleux d’avoir la chance de travailler sur un sujet qui me tient à cœur depuis toujours. Et c’est fantastique, aussi, de travailler avec tellement de gens talentueux. Ce n’est jamais une seule personne qui monte une exposition; c’est toute une équipe qui met la main à la pâte et tout le processus de travail avec l’équipe ici, avec les commissaires d’exposition en Afrique du Sud, c’est une formidable expérience créative que j’ai vraiment aimée. J’aime aussi le fait que ce soit une grande exposition, car cela nous donne l’occasion d’explorer le sujet plus en profondeur.
Vous avez dit que vous avez travaillé avec des commissaires d’exposition d’Afrique du Sud. Vous vous êtes aussi rendue en Afrique du Sud pour faire de la recherche et obtenir des objets pour l’exposition. Pouvez‐vous me dire comment cela s’est passé et comment ce séjour a influé sur l’exposition?
Cela a été fantastique de retourner en Afrique du Sud. Avec mes collègues, nous avons eu la chance de visiter l’Apartheid Museum à Johannesburg, notre partenaire pour cette exposition. Nous avons aussi visité le District Six Museum, au Cap. Nous avons fait des recherches aux archives du Robben Island Museum, les Mayibuye Archives. C’était vraiment enrichissant de voir comment ces musées racontent cette histoire. Je suis convaincue que l’exposition Mandela sera complètement différente du projet de départ parce que nous nous sommes rendus en Afrique du Sud, que nous y avons fait de la recherche et que nous avons rencontré des Sud‐Africains et des Sud‐Africaines.
Une grande partie de l’information que nous avons obtenue n’est pas accessible en ligne. Nous avons fait un travail de détective, en quelque sorte. Il faut être sur place, faire des liens, comprendre l’histoire et rencontrer les gens. Je pense aussi que c’était important pour nos homologues en Afrique du Sud de comprendre pourquoi nous voulions raconter leur histoire, de comprendre que nous ne voulons pas nous contenter de leur emprunter des objets – des artéfacts cruciaux pour leur propre histoire – sans tenir compte de la façon dont eux‐mêmes voient leur propre histoire et leur propre expérience.
Quelle est la chose la plus surprenante que vous avez apprise en travaillant sur cette exposition?
Je crois que ce qui m’a le plus surprise, c’est de découvrir comment des gens au Canada ont participé à la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Je vous donne un exemple : à l’époque de l’apartheid, il y avait une organisation baptisée International Defence and Aid Fund. Elle a été interdite en Afrique du Sud, mais poursuivait ses activités depuis Londres et avait une section au Canada. Dans le cadre de ses activités, l’organisation payait les frais juridiques pour défendre les prisonniers politiques, mais elle avait aussi une autre corde à son arc, une corde secrète.
Elle remettait à des citoyens et à des citoyennes du Canada le nom et l’adresse d’une personne en Afrique du Sud. Ces Canadiens et ces Canadiennes entretenaient une correspondance avec cette personne, qui était en fait un membre de la famille d’un prisonnier politique. Il fallait toujours commencer la lettre par une conversation tout à fait neutre, sans parler de politique, puisque le gouvernement sud‐africain avait déclaré hors‐la‐loi cette organisation et ses activités. Le but était d’envoyer de l’aide financière de cette façon. Les gens envoyaient de l’argent aux familles de prisonniers politiques pour que les enfants puissent continuer à aller à l’école et pour que la famille dispose ainsi de moyens de subsistance, jusqu’à un certain point. J’ai parlé à des gens qui ont participé à ce programme. Je m’attendais à ce qu’au Canada, les gens participent à des rassemblements, organisent des activités sur leur campus, mais cette action, c’était un autre côté de l’histoire que j’ai été heureuse de découvrir.
Pourquoi l’histoire de Mandela est‐elle pertinente aujourd’hui pour les Canadiens et les Canadiennes?
Mandela a joué un rôle dans la réconciliation nationale et je crois que, pour les Canadiens et les Canadiennes, c’est quelque chose qu’il vaut la peine d’explorer. Cette exposition aura une certaine résonance avec notre propre histoire au Canada : notre expérience avec le colonialisme, avec les violations des droits de la personne, et notre expérience continue avec la réconciliation, qui est toujours en cours en Afrique du Sud. L’histoire n’est pas la même mais, en gros, on peut faire des parallèles et il y a des points importants qui trouveront une résonance au Canada, qui sont pertinents pour le Canada.
L’exposition Mandela communique aussi un message au sujet de l’implication, sur l’importance de faire quelque chose pour combattre les injustices, au Canada ou ailleurs dans le monde. Quand j’interviewais des gens au Canada pour cette exposition, je leur demandais toujours : « Comment avez‐vous découvert la situation et décidé de faire quelque chose pour participer à la lutte? ». Cela aurait pu demeurer une lutte qui se jouait au loin mais, pour de nombreuses personnes au Canada, elle avait un écho au quotidien puisqu’elles ont participé à cette expérience de solidarité internationale qui demandait le changement en Afrique du Sud. C’est intéressant parce qu’il y a encore des luttes aujourd’hui qui éveillent l’intérêt des gens de la même manière.
L’exposition Mandela : Lutte pour la liberté ouvrira en juin 2018 dans la galerie du niveau 1 du Musée.
Citation suggérée
Citation suggérée : Matthew McRae. « La création de Mandela : Lutte pour la liberté ». Musée canadien pour les droits de la personne. Publié le 10 mai 2018. https://droitsdelapersonne.ca/histoire/la-creation-de-mandela-lutte-pour-la-liberte