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De l’art qui éveille le militantisme : deux nouvelles expositions commencent au MCDP

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Des moulages blancs de visages de femmes sont suspendus par des fils aux barreaux d’acier d’une grande cage. Visibilité masquée.

Photo : MCDP, Aaron Cohen

Ce communiqué date de plus de deux ans

Ce communiqué date de plus de deux ans. Pour plus d’information, veuillez communiquer avec Amanda Gaudes de notre équipe des relations avec les médias.

Détails du communiqué

Des œuvres d’art puissantes qui ont inspiré des actions en faveur des droits de la personne dans le monde entier sont présentées dans le cadre de deux expositions qui seront inaugurées demain (30 avril) au Musée canadien pour les droits de la personne (MCDP). Voir la vidéo.

Des visages d’anciennes captives yézidies, immortalisés dans des masques en papier mâché suspendus aux barreaux d’une cage d’acier. Sur des étagères inspirées de celles des équipes médico‐légales, 8 372 minuscules tasses à café bosniaques disposées dans des plateaux. Un paysage sonore fait de chuchotements et de chants interdits enveloppe une installation d’oreilles « trophées » dorées. Des centaines d’objets provenant des pensionnats indiens du Canada et enchâssés dans une structure en cèdre, formant une « couverture » de vérité et de mémoire.

« Ces artistes ont agi, par leurs œuvres, en faveur d’un monde qui respecte les droits et la dignité de tout le monde », souligne Isha Khan, directrice générale du MCDP. « Leur “artivisme” nous aide à comprendre que nous avons tous et toutes un rôle à jouer dans la reconnaissance et la prévention de la violence de masse et des génocides. Parfois, l’art est la seule façon de faire passer ces messages importants et de les faire prévaloir, surtout à des moments où les voix dissidentes sont réduites au silence. »

La première nord‐américaine d’Artivisme présente des œuvres d’artistes et de collectifs artistiques d’Argentine, de Bosnie‐Herzégovine, d’Indonésie, du Kurdistan irakien et d’Afrique du Sud, ainsi que des œuvres d’art et des objets sacrés du Centre national pour la vérité et la réconciliation du Canada, à l’Université du Manitoba. L’exposition – présentée une seule fois auparavant à la prestigieuse Biennale de Venise en 2019 – encourage les gens à faire face à la réalité des atrocités passées et à s’engager à entreprendre des actions qui créent un changement dans leur propre communauté.

Une femme portant un masque en tissu écrit sur un bloc-notes devant une grande œuvre d’art au cadre en cèdre.
Photo : MCDP, Aaron Cohen

Couverture des témoins : Un héritage à préserver est la première exposition publique de cette œuvre d’art canadienne monumentale depuis que le Musée et l’artiste Carey Newman ont conclu un accord unique et historique en 2019 pour en prendre mutuellement soin. Les personnes qui viennent voir la Couverture seront initiés aux besoins particuliers de conservation de cette installation percutante, composée de plus de 800 objets témoins des histoires des survivant·e·s des pensionnats indiens de tout le pays.

L’exposition Artivisme a été réalisée par le Auschwitz Institute for the Prevention of Genocide and Mass Atrocities; ses commissaires sont Kerry Whigham, Francesca Giubilei et Luca Berta. Elle comprend un « Défi 60/60/60 », créé en collaboration avec le National Center for Civil and Human Rights d’Atlanta, en Géorgie. Cette partie de l’exposition invite les gens à prendre des mesures concrètes en faveur des droits de la personne (décrites sur une série de cartes), qu’ils aient 60 secondes, 60 heures ou 60 jours à y consacrer. L’exposition est présentée avec le généreux soutien de la Burns Family Foundation et de la Canada Vie.

La Couverture des témoins est une œuvre d’importance nationale créée par l’artiste kwakwaka’wakw et salish du littoral Carey Newman (Hayalthkin’geme), un maître sculpteur basé à Victoria. Cette œuvre de 12 mètres de long, qui contient des objets recueillis sur les sites et auprès de survivant·e·s de tous les pensionnats indiens du Canada, est devenue un cadre pour des conversations sur le génocide des peuples autochtones au Canada. L’exposition actuelle est présentée grâce à une importante aide financière du partenaire principal, Groupe TD Prêts à agir, avec le soutien additionnel de la Winnipeg Foundation.

Le document d’information ci‐dessous contient plus de renseignements sur les deux expositions, qui sont présentées ensemble dans la spacieuse galerie du niveau 1 du Musée jusqu’au 16 janvier 2022. L’entrée est comprise dans le prix d’entrée général. Les protocoles relatifs à la COVID‐19 sont strictement respectés au Musée : billets à heure fixe, distance sociale, nettoyage et assainissement rigoureux.

Des photographies haute résolution sont disponibles sur demande. Une vidéo créée pour le lancement de ces expositions peut être visionnée en ligne.

Document d’information

Au sujet d’Artivisme

L’art crée de l’espace pour des conversations, y compris sur des sujets difficiles à aborder. L’art évoque des émotions puissantes, transcendant les frontières, les cultures et les langues pour nous aider à nous rapprocher les uns des autres. Artivisme met en lumière le travail de six artistes et collectifs artistiques (voir le film de l’exposition) qui ont utilisé l’art comme un instrument de militantisme en réponse au génocide et à la violence de masse.

Canada – Centre national pour la vérité et la réconciliation

Des cordes auxquelles sont attachés des dizaines de sachets en tissu coloré sont suspendues entre un bouleau et un mur rouge.
Photo : MCDP, Aaron Cohen

Au cours des audiences de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR), des milliers d’objets personnels ont été déposés dans la boîte en bois cintré pour exprimer la persévérance, la réconciliation et l’espoir en l’avenir. Chacun de ces objets est animé de l’esprit de la personne qui l’a donné. En acceptant ces objets comme formes de témoignage, la CVR a reconnu que le savoir et l’expérience des personnes autochtones sont incarnés dans de nombreuses choses.

Les objets, images et œuvres d’art sacrés présentés dans cette section d’Artivisme font partie de ces contributions. Ils témoignent non seulement du génocide, du traumatisme et de la survie, mais servent également à préserver et à promouvoir les cultures autochtones que les pensionnats ont tenté de détruire.

L’œuvre centrale, réalisée par l’artiste crie Linda Young de Saskatoon, représente une balançoire vide pour bébé (wêwêpison), suspendue à un bouleau. La balançoire est fixée par des dizaines de sachets pour tabac contenant les restes déchiquetés de l’histoire de 83 pages qu’elle a présentée en tant que survivante d’un pensionnat lors des audiences officielles.

Argentine – Grupo de Arte Callejero (GAC)

Des panneaux avec des éléments graphiques et des textes en espagnol sont accrochés à un mur rouge. Le plus grand panneau indique « Juicio y Castigo ».
Photo : MCDP, Aaron Cohen

L’art public de rue et les manifestations (escraches) aux domiciles des responsables des atrocités commises par l’État à Buenos Aires ont permis de rouvrir des procès qui ont débouché sur plus de 1 200 poursuites en justice. Pendant sept ans, à partir de 1976, la dictature militaire argentine a rassemblé 30 000 personnes jugées subversives par le gouvernement. Ces victimes ont ensuite été torturées et tuées dans des centaines de centres de détention clandestins à travers le pays.

À la fin des années 1990, afin de lutter contre la culture de l’impunité, le GAC a créé une série de plaques de rue qu’il a affichées dans toute la capitale Buenos Aires, soulignant les crimes de la dictature et indiquant où vivaient les responsables encore impunis.

L’installation présentée dans Artivisme comprend une sélection de plaques de rue créées par le collectif d’artistes, une carte peinte indiquant l’emplacement des maisons des responsables et une vidéo avec des enregistrements d’archives des escraches en action.

Bosnie‐Herzégovine – Aida Šehović

Des milliers de petites tasses en porcelaine sont disposées dans des plateaux sur un haut support métallique.
Photo : MCDP, Aaron Cohen

À l’occasion de l’anniversaire du génocide de Srebrenica, le 11 juillet, chaque année entre 2006 et 2020, Aida Šehović a organisé un « monument nomade » sur la place publique d’une ville différente dans le monde. Les personnes qui passaient par là étaient invitées à remplir de café des fildžani (petites tasses) vides en mémoire des victimes du massacre de 1995, lorsque les forces serbes de Bosnie ont envahi la « zone sûre » de Srebrenica, établie par les Nations Unies.

Dans Artivisme, 8 372 tasses, une pour chaque victime, sont disposées de manière glaçante dans des plateaux sur des étagères en acier du type qu’utilisent les équipes médico‐légales, représentant la tâche macabre d’identifier les restes des personnes assassinées et disparues. Des milliers de gens n’ont jamais été retrouvés.

« On ne retrouvera pas tout le monde, mais chaque personne a une tasse – c’est donc un élément réel et tangible qui symbolise leur perte », explique Aida Šehović, une artiste musulmane bosniaque dont la famille a fui sa patrie en 1992 en tant que personnes réfugiées. « En Bosnie, boire du café est un rituel que l’on effectue quotidiennement avec les membres de sa famille. Nous avons tendance à parler du génocide et de la perte de manière abstraite. Une tasse qui attend d’être bue rend cette perte plus humaine. »

Indonésie – Elisabeth Ida Mulyani

Des sculptures grandeur nature d’oreilles humaines dorées sont apposées sur un mur.
Photo : MCDP, Aaron Cohen

Les oreilles étaient des souvenirs. De tels trophées macabres faisaient partie de la disparition et du meurtre, en 1965–1966, d’au moins un demi‐million de personnes indonésiennes accusées d’être des communistes par la dictature militaire de Suharto. Pendant des décennies, dans un climat de peur omniprésent, personne n’était autorisé à parler de ces événements. Enfin, dans les années 1990, un groupe de jeunes militants a brisé ce silence. Treize d’entre eux n’ont jamais été revus.

Dans cette installation, intitulée Oleh‐oleh (Souvenir), Elisabeth Ida Mulyani présente 13 oreilles dorées représentant les jeunes disparus, placées sous un paysage sonore activé par le mouvement, fait de chuchotements, de chansons interdites et de chants de protestation. Au‐dessus se trouve un ensemble de parapluies noirs comme ceux que portaient les mères des jeunes militants, qui se tenaient chaque jeudi devant le palais présidentiel de Jakarta pour exiger le retour de leurs enfants.

Une œuvre d’art photographique complémentaire, intitulée Supervivere, documente la vie de plusieurs personnes exilées d’Indonésie, devenues apatrides après la révocation de leur citoyenneté en 1965. L’œuvre démontre la capacité de l’art à faire la lumière sur les violences passées que les États ne sont pas encore prêts à reconnaître, et sur les effets résiduels qui se font encore sentir aujourd’hui.

Kurdistan irakien – Rebin Chalak

Des moulages blancs de visages de femmes sont suspendus par des fils aux barreaux d’acier d’une grande cage.
Photo : MCDP, Aaron Cohen

Depuis 2014, les Yézidis, un petit groupe ethnico‐religieux du nord de l’Irak, subissent un génocide aux mains du groupe terroriste État islamique en Irak et au Levant (EIIL). Les Yézidis sont forcés de choisir entre se convertir à l’islam ou être tués. Des milliers de femmes et de filles sont capturées, mises en cage et contraintes au mariage et à l’esclavage sexuel avec des membres de l’EIIL.

L’artiste irako‐kurde Rebin Chalak a commencé à rencontrer des femmes yézidies qui ont survécu et ont pu s’échapper. Pour raconter leur histoire sans leur faire courir de nouveaux risques, il moule leur visage dans des masques et parcourt le monde avec ces masques pour sensibiliser le public à leur sort. Il offre également la possibilité aux membres du public de porter les masques afin d’établir des liens plus profonds avec les expériences des femmes.

Les masques exposés dans Artivisme ont été moulés à partir des visages de survivantes. Ils ne représentent qu’un infime pourcentage du nombre de femmes et de filles qui ont subi cette violence, et dont beaucoup sont toujours portées disparues à ce jour.

Afrique du Sud – Projet de broderie Intuthuko

Un morceau de broderie coloré sur un fond noir représente une scène avec des personnes, des maisons et des véhicules.
Photo : MCDP, Aaron Cohen

En 2002, un groupe de femmes s’est réuni pour créer ce projet, qui utilise la broderie comme moyen de renforcer l’esprit communautaire, de collecter des fonds et de partager des histoires de leur vie pendant et depuis l’apartheid. L’apartheid était un système de racisme institutionnalisé en Afrique du Sud qui a duré de 1948 jusqu’aux premières élections démocratiques du pays en 1994, lorsque Nelson Mandela a été élu président.

Le témoignage des victimes à la suite d’une atrocité de masse peut être un outil puissant pour construire la mémoire publique. Mais parler d’expériences traumatisantes peut aussi être difficile. Certaines personnes trouvent d’autres moyens de communiquer leurs expériences, comme la création de broderies artistiques.

Mis en place dans le cadre d’une initiative d’autonomisation communautaire visant à réduire la pauvreté, le projet amène des femmes à fabriquer divers produits brodés, qu’elles vendent pour gagner leur vie. Les femmes du projet ont également travaillé sur un projet de collaboration avec un groupe appelé « Grandmothers in Solidarity », basé au Canada. On peut voir un exemple du travail de ce groupe au niveau 7 du MCDP.

Au sujet de Couverture des témoins : Un héritage à préserver

« Je pense que l’un des grands pouvoirs de l’art est sa capacité à accéder à quelque chose au‐delà de notre esprit, à toucher notre cœur, et à nous faire ressentir quelque chose. » — Carey Newman (Hayalthkin’geme)

Une grande installation artistique autonome contient des centaines d’objets. Elle est encadrée de cèdre et il y a une porte ouverte au milieu que les gens peuvent franchir.
Photo : MCDP, Aaron Cohen

Le but de la conservation de cette œuvre d’art importante n’est pas de garantir sa pérennité. Il s’agit plutôt d’honorer l’esprit de chaque objet, de chaque voix et de chaque communauté représentés dans l’œuvre d’art, en s’appuyant sur un accord de responsabilité unique qui accorde une importance égale aux traditions autochtones et au droit occidental. Cela signifie que certains objets se détérioreront naturellement, comme une chaussure d’enfant recouverte de mousse provenant d’une école du Yukon, ou les tresses coupées dans les cheveux de la sœur de l’artiste.

Cette exposition présente non seulement la Couverture des témoins, visuellement impressionnante, mais aussi la boîte Grizzli en bois cintré, sculptée par Carey Newman pour contenir l’accord historique lorsque celui‐ci a été animé dans le cadre d’une cérémonie en 2019 à Kumugwe, la grande maison de la Première Nation K’ómoks sur l’île de Vancouver. La cérémonie marquait la première fois dans l’histoire du Canada qu’une société d’État fédérale ratifiait un contrat juridiquement contraignant selon des traditions autochtones. L’accord reconnaît que personne ne peut « posséder » cette œuvre d’art extraordinaire et que la Couverture des témoins a ses propres droits. De plus, il confie au Musée et à l’artiste la responsabilité partagée de son entretien.

Les membres du public pourront également découvrir le rôle et les tâches des spécialistes en conservation du Musée et voir les outils que ces personnes utilisent dans leur travail. À l’aide d’une application iOS mobile, les gens peuvent également découvrir l’histoire de chaque objet de la Couverture au moyen d’une expérience interactive.

« Pour moi, la Couverture des témoins a toujours été une façon de dire la vérité et de la consigner », signale Carey Newman, dont le père était un survivant d’un pensionnat. « Ce que j’espère que les gens ressentent en la voyant, c’est un sens de cette vérité collective qui est véhiculée par tous ces objets et toutes ces histoires. »

Ce communiqué date de plus de deux ans

Ce communiqué date de plus de deux ans. Pour plus d’information, veuillez communiquer avec Amanda Gaudes de notre équipe des relations avec les médias.

Personnes-ressources – médias

Maureen Fitzhenry (elle)