Le wampum à deux rangs

Un accord autochtone-européen de paix, d’amitié et de respect

Par Karine Duhamel
Publié : le 14 novembre 2018

L’image sur le mur est faite de nombreux petits carrés blancs et ressemble à une œuvre perlée autochtone ou à une mosaïque. L’image comprend surtout des carrés blancs, mais on y voit aussi deux épaisses lignes bleues, horizontales et parallèles. Visibilité masquée.

Photo : MCDP, Preetom Chowdhury

Détails de l'histoire

Je ne me souviens pas de la première fois où j’ai entendu parler du wampum à deux rangs, ou de ce qu’il représente. Comme c’est souvent le cas avec les choses qu’on a l’impression de connaître ou de comprendre, il est difficile de m’imaginer faire mon travail sans savoir de quoi il retourne.

Le wampum à deux rangs, appelé teiohate kaswentha dans la langue mohawke, raconte l’histoire d’un accord conclu entre les Autochtones et les Néerlandais. Cet accord est fondé sur la cohabitation de deux nations différentes, dans le respect. 

Histoire du wampum à deux rangs

Selon les gardiens du savoir autochtones, l’histoire du wampum à deux rangs commence en 1613, quand les Mohawks remarquent des nouveaux‐venus qui entrent dans leur territoire et défrichent la terre. Une délégation haudenosaunie est envoyée à la rencontre des représentants néerlandais pour négocier une relation avec les nouvelles personnes qui occupent maintenant la terre haudenosaunie.

Comme le relate Oren Lyons, gardien de la tradition onondaga, le wampum à deux rangs est alors créé pour convenir de la façon dont les nations vont se comporter l’une envers l’autre. 

Quand les Néerlandais suggèrent aux Mohawks de les appeler « père », ces derniers proposent plutôt « frère », pour désigner une relation plus équitable et autonome. Les Haudenosaunis inscrivent cet accord sur une ceinture de wampum au moyen de perles. La ceinture de wampum est considérée comme un artéfact, un objet, mais, comme pour tout autre document, ceux qui en comprennent le langage peuvent la lire.

Le wampum symbolise l’équité et le respect, illustrés par deux bateaux navigant sur la rivière de la vie, sans imposer de direction l’un à l’autre. Chaque bateau contient la vie, les lois et le peuple de chacune des cultures. L’accord doit durer « tant que le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest, tant que les rivières dévalent les collines et tant que l’herbe qui pousse est verte ». En d’autres termes, cet accord doit durer aussi longtemps que les peuples existent. 

Cet accord a été élargi et réaffirmé près de 150 ans plus tard, en 1764, lors du traité de Niagara, quand plus de 2 000 chefs ont renouvelé et agrandi la chaîne d’alliance, une alliance multi‐nation entre nations autochtones et la Couronne britannique. Le protocole comprenait la lecture de la Proclamation royale de 1763, selon laquelle il incombe à la Couronne d’entreprendre des pourparlers avec les Autochtones pour conclure des traités.

Les représentants ont aussi lu des ceintures de wampum, y compris celle de wampum à deux rangs, à toute l’assistance, afin d’affirmer la lettre et l’esprit de la relation. Pour les nations autochtones présentes, ces accords affirmaient leur droit à l’auto-détermination aussi longtemps qu’elles vivraient sur les terres visées. 

Un rang symbolise le peuple haudenosani, ses lois et ses coutumes, alors que l’autre rang représente les lois et les coutumes européennes. Les nations avancent ensemble, côte à côte, sur la rivière de la vie et elles doivent éviter que leurs trajets se chevauchent ou interfèrent l’un avec l’autre. 

John Borrows, juriste autochtone

Un document vivant

Trois personnes sont debout devant une image projetée sur un mur courbé d’environ neuf pieds de hauteur. Deux d’entre elles regardent l’image alors que la troisième personne, à la gauche, regarde autre chose sur le mur. L’image sur le mur est faite de nombreux petits carrés blancs et ressemble à une œuvre perlée autochtone ou à une mosaïque. L’image comprend surtout des carrés blancs, mais on y voit aussi deux épaisses lignes bleues, horizontales et parallèles.

Cette projection numérique de perles de wampum réagit à la voix des visiteurs et des visiteuses en changeant de forme. La projection a été créée en collaboration avec les élèves de l’école secondaire Children of the Earth, à Winnipeg, au Manitoba.

Photo : MCDP, Aaron Cohen

Quelque 400 ans après la création du wampum à deux rangs, ses principes sont des éléments fondateurs de l’exposition Cheminements : Les droits au Canada depuis 150 ans. On trouve dans cette exposition une zone consacrée aux perspectives traditionnelles et contemporaines des Autochtones sur les droits, appelée « Défendre sa souveraineté ». Cette zone parle de paix, d’amitié et de respect, comme l’illustre un rendu graphique du wampum à deux rangs qui sert de fil conducteur dans toute la zone.

Le graphique mène à une projection numérique de perles de wampum qui réagit au son, à la hauteur et au volume de la voix des visiteurs et des visiteuses. Cet élément interactif, baptisé Des voix qui portent, a été réalisée en collaboration avec les talentueux élèves du programme d’art Omazinibii’gig Artist Collective de l’école secondaire Children of the Earth, de Winnipeg, au Manitoba.

Lors d’un atelier d’une demi‐journée, les élèves ont réfléchi à ce que signifiaient, pour eux, les droits autochtones. Leurs œuvres artistiques ont ensuite été numérisées afin qu’elles puissent être projetées sur le wampum à deux rangs en réaction au son de la voix des visiteurs et des visiteuses. 

Certains de ces jeunes artistes ont visité l’exposition au moment de son ouverture. En parlant du projet aux médias, un élève a expliqué combien il était fier de son œuvre et emballé de la voir projetée dans l’espace. Un autre a déclaré que le lieu lui‐même était accueillant pour les Autochtones. 

La signification du wampum à deux rangs – paix, amitié et respect – apparaît aussi pertinente aujourd’hui qu’elle l’était en 1613. Dans ma vie personnelle, je manifeste la paix en faisant preuve d’ouverture d’esprit et en étant prête à entendre de nouveaux points de vue; je manifeste l’amitié en soutenant les gens dans leurs entreprises et en leur prêtant main‐forte quand je le peux; et je manifeste le respect en respectant toutes les personnes également, en tant qu’êtres humains. Comme les gens, les établissements peuvent aussi adhérer à ces principes et, ce faisant, commencer à prendre des pas concrets vers une réconciliation constructive. 
 

Citation suggérée

Citation suggérée : Karine Duhamel. « Le wampum à deux rangs ». Musée canadien pour les droits de la personne. Publié le 14 novembre 2018. https://droitsdelapersonne.ca/histoire/le-wampum-deux-rangs

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