Les soldats canadiens sont entrés dans la bataille le 18 décembre, quand l’armée japonaise a traversé depuis la partie continentale de la colonie pour attaquer l’île de Hong Kong. L’ancien combattant George MacDonnell rappelle la lutte désespérée pour défendre l’île de Hong Kong, dans une entrevue qu’il a donnée en février 2017 pour un projet d’histoire orale à l’école Crestwood de Toronto :
« Nos troupes se sont montrées très courageuses et se sont très bien comportées sur le champ de bataille. Nous n’avions vraiment aucune chance de parvenir à défendre l’île. Des troupes japonaises débarquaient sans cesse. C’était d’excellents soldats, expérimentés. Ils avaient une importante force aérienne qui nous mitraillait et nous bombardait. Ils avaient aussi une puissante force navale qui nous bombardait souvent depuis la mer. C’était le creuset de l’enfer. »
La Convention de Genève sur les prisonniers de guerre de 1929 protège ceux qui sont capturés pendant un conflit armé. Les prisonniers de guerre doivent recevoir la nourriture, le logement et les soins médicaux dont ils ont besoin. Toutefois, le Japon n’avait pas ratifié la Convention et, tout au long de la Seconde Guerre mondiale, les militaires japonais ont traité les prisonniers avec un mépris extrême, bafouant constamment leurs droits. Les prisonniers de guerre étaient sous‐alimentés, battus, torturés, forcés d’exécuter des travaux lourds et soumis à des expériences médicales.
La Croix‐Rouge procurait des trousses de nourriture et de médicaments aux prisonniers de guerre, mais les gardes japonais les gardaient souvent pour eux‐mêmes, ou forçaient plusieurs prisonniers à partager le contenu d’une seule de ces trousses. Malgré ces terribles conditions, les soldats se regroupaient encore parfois pour garder le moral, se protéger les uns les autres contre les mauvais traitements, et récupérer de la nourriture ou des fournitures [3]. Certains ont même saboté les chantiers navals où ils étaient forcés de travailler. Malgré cette solidarité, la vie en prison demeure extrêmement difficile, voire mortelle.
« On ne pouvait pas faire grand‐chose pour survivre dans un camp de prisonniers, explique MacDonnell. On se levait à l’aube, les gardes prenaient les présences, et on partait au travail. On revenait, on nous donnait à manger et on allait au lit… La malaria était un grave problème. La malaria, les punaises de lit et la dysenterie… Les chances de survie étaient infimes. »
MacDonnell a réussi à survivre à son séjour dans un tel camp, mais 272 autres soldats canadiens n’ont pas eu cette chance. Même après leur libération en 1945, de nombreux anciens combattants à Hong Kong ont souffert de nombreux problèmes de santé. MacDonnell a presque perdu la vue à cause de la malnutrition et il a dû passer plusieurs mois à récupérer dans des hôpitaux américains et canadiens après la guerre. D’autres prisonniers ont eu des atteintes nerveuses ou des malaises gastro‐intestinaux; d’autres encore ont perdu des orteils ou une jambe à cause de la gangrène et du manque de soins médicaux. De nombreux anciens prisonniers de guerre ont été traumatisés par leur expérience et il était très difficile pour eux de conserver un emploi ou d’entretenir de saines relations.
Malgré ces difficultés, le gouvernement n’a pas beaucoup appuyé les anciens combattants canadiens à Hong Kong. Au départ, il leur a accordé 1 $ pour chaque jour de détention, pour un total de 1 360 $ chacun [4]. En 1958, il a ajouté 0,50 $ par jour d’emprisonnement. Cela ne réglait cependant pas les problèmes des anciens combattants. Nombre d’entre eux continuaient à souffrir de troubles physiques et psychologiques. Comme si cela ne suffisait pas, avant 1971, il était très difficile pour les anciens combattants d’obtenir des pensions d’invalidité. Ils devaient prouver que leur séjour dans un camp de prisonniers de guerre était à l’origine de l’invalidité pour laquelle ils réclamaient une pension, preuve difficile à établir pour les problèmes de santé physique, et plus encore dans le cas des problèmes de santé psychologique.
En 1971, le gouvernement a reconnu la souffrance des anciens combattants à Hong Kong et accordé à chacun une pension d’invalidité valant 50 % du montant de pension maximal [5]. Bien des anciens combattants étaient reconnaissants, mais ils étaient aussi frustrés de n’avoir jamais été payés pour le travail qu’ils avaient été forcés de faire pendant leur emprisonnement.
Les cicatrices étaient aussi d’ordre émotionnel. Leur emprisonnement avait laissé de nombreux anciens combattants amers et en colère et ils composaient avec leurs sentiments de différentes façons. En 1983, l’ancien combattant William Allister s’est rendu au Japon pour visiter le chantier naval où il avait été forcé de travailler pendant la guerre. Il a passé un mois au Japon; le fils d’un des gardes du camp lui a même servi de guide pendant une semaine à Tokyo. William Allister a eu l’impression, par la suite, d’être parvenu à une certaine réconciliation. Il a aussi utilisé la peinture pour exprimer ses émotions, allant jusqu’à travailler avec l’artiste Raymond Moriyama, qui avait été emprisonné dans un camp d’internement de personnes d’origine japonaise en Colombie‑Britannique pendant la guerre. D’autres ont emprunté des chemins différents pour parvenir à la réconciliation. À partir de 1985, Jacob « Jack » Rose, un ancien des Winnipeg Grenadiers, a plaidé publiquement en faveur du redressement pour les personnes d’origine japonaise ayant été internées par le gouvernement canadien pendant la Seconde Guerre mondiale. Convaincu que tout le monde doit être traité de manière équitable, il a défendu cette idée malgré le fait que certains de ses homologues anciens combattants s’y opposaient. Malheureusement, ce ne sont pas tous les anciens combattants qui ont pu être aussi actifs, ou qui ont pu composer aussi bien avec les retombées physiques et psychologiques de leur emprisonnement.
Dans un rapport publié en 1987, on a appris que les anciens combattants à Hong Kong vieillissent en moyenne plus vite et meurent plus jeunes que leurs contemporains [6]. La même année, l’Association des Amputés de guerre a présenté les doléances des anciens combattants à Hong Kong devant la Commission des droits de la personne des Nations Unies, malgré le manque de soutien de la part du gouvernement canadien. Puis, le 11 décembre 1998, le gouvernement canadien a accordé une indemnité de 24 000 $ à chaque ancien combattant à Hong Kong toujours en vie ou à sa veuve. Enfin, le 8 décembre 2011, 70 ans jour pour jour après l’attaque de Hong Kong par l’armée japonaise, le gouvernement japonais présentait ses excuses aux anciens combattants du Canada à Hong Kong pour les mauvais traitements subis dans les camps de prisonniers.
Au fil des ans, les anciens combattants à Hong Kong ont mené au moins trois batailles. La première était la bataille militaire, à Hong Kong; la deuxième, c’était la lutte pour la survie dans les camps de prisonniers du Japon. La troisième, enfin, visait à faire reconnaitre les violations des droits de la personne qu’ils ont subies pendant la guerre et à obtenir une compensation du gouvernement canadien pour ces injustices. Cette dernière bataille fut la plus longue, puisqu’elle a duré plusieurs décennies. En parlant publiquement et en faisant connaître leur histoire, les anciens combattants à Hong Kong ont aidé les Canadiens et les Canadiennes à mieux connaître leur passé et à comprendre l’importance de respecter les droits de tous et toutes, même en temps de guerre. Il importe de continuer à raconter l’histoire des anciens combattants à Hong Kong pendant encore de nombreuses années.
L’histoire des anciens combattants à Hong Kong et de leur lutte pour la reconnaissance et pour obtenir réparation est racontée au Musée, dans la galerie Les parcours canadiens. Pour rédiger le présent blogue, l’auteur s’est fondé en partie sur la recherche réalisée par Mallory Richard, qui a travaillé au Musée en tant que chercheure et coordonnatrice de projet. L’auteur aimerait aussi remercier Jeff Noakes, Ph. D., historien de la Seconde Guerre mondiale au Musée canadien de la guerre, et la Légion royale canadienne, pour leurs conseils et leur assistance dans la rédaction du présent blogue.
Auteure
Matthew McRae a travaillé au Musée comme chercheur et comme spécialiste du contenu numérique.