Selon les gardiens du savoir autochtones, l’histoire du wampum à deux rangs commence en 1613, quand les Mohawks remarquent des nouveaux‐venus qui entrent dans leur territoire et défrichent la terre. Une délégation haudenosaunie est envoyée à la rencontre des représentants néerlandais pour négocier une relation avec les nouvelles personnes qui occupent maintenant la terre haudenosaunie.
Comme le relate Oren Lyons, gardien de la tradition onondaga, le wampum à deux rangs est alors créé pour convenir de la façon dont les nations vont se comporter l’une envers l’autre.
Quand les Néerlandais suggèrent aux Mohawks de les appeler « père », ces derniers proposent plutôt « frère », pour désigner une relation plus équitable et autonome. Les Haudenosaunis inscrivent cet accord sur une ceinture de wampum au moyen de perles. La ceinture de wampum est considérée comme un artéfact, un objet, mais, comme pour tout autre document, ceux qui en comprennent le langage peuvent la lire.
Le wampum symbolise l’équité et le respect, illustrés par deux bateaux navigant sur la rivière de la vie, sans imposer de direction l’un à l’autre. Chaque bateau contient la vie, les lois et le peuple de chacune des cultures. L’accord doit durer « tant que le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest, tant que les rivières dévalent les collines et tant que l’herbe qui pousse est verte ». En d’autres termes, cet accord doit durer aussi longtemps que les peuples existent.
Cet accord a été élargi et réaffirmé près de 150 ans plus tard, en 1764, lors du traité de Niagara, quand plus de 2 000 chefs ont renouvelé et agrandi la chaîne d’alliance, une alliance multi‐nation entre nations autochtones et la Couronne britannique. Le protocole comprenait la lecture de la Proclamation royale de 1763, selon laquelle il incombe à la Couronne d’entreprendre des pourparlers avec les Autochtones pour conclure des traités.
Les représentants ont aussi lu des ceintures de wampum, y compris celle de wampum à deux rangs, à toute l’assistance, afin d’affirmer la lettre et l’esprit de la relation. Pour les nations autochtones présentes, ces accords affirmaient leur droit à l’auto-détermination aussi longtemps qu’elles vivraient sur les terres visées.
Quelque 400 ans après la création du wampum à deux rangs, ses principes sont des éléments fondateurs de l’exposition Cheminements : Les droits au Canada depuis 150 ans. On trouve dans cette exposition une zone consacrée aux perspectives traditionnelles et contemporaines des Autochtones sur les droits, appelée « Défendre sa souveraineté ». Cette zone parle de paix, d’amitié et de respect, comme l’illustre un rendu graphique du wampum à deux rangs qui sert de fil conducteur dans toute la zone.
Le graphique mène à une projection numérique de perles de wampum qui réagit au son, à la hauteur et au volume de la voix des visiteurs et des visiteuses. Cet élément interactif, baptisé Des voix qui portent, a été réalisée en collaboration avec les talentueux élèves du programme d’art Omazinibii’gig Artist Collective de l’école secondaire Children of the Earth, de Winnipeg, au Manitoba.
Lors d’un atelier d’une demi‐journée, les élèves ont réfléchi à ce que signifiaient, pour eux, les droits autochtones. Leurs œuvres artistiques ont ensuite été numérisées afin qu’elles puissent être projetées sur le wampum à deux rangs en réaction au son de la voix des visiteurs et des visiteuses.
Certains de ces jeunes artistes ont visité l’exposition au moment de son ouverture. En parlant du projet aux médias, un élève a expliqué combien il était fier de son œuvre et emballé de la voir projetée dans l’espace. Un autre a déclaré que le lieu lui‐même était accueillant pour les Autochtones.
La signification du wampum à deux rangs – paix, amitié et respect – apparaît aussi pertinente aujourd’hui qu’elle l’était en 1613. Dans ma vie personnelle, je manifeste la paix en faisant preuve d’ouverture d’esprit et en étant prête à entendre de nouveaux points de vue; je manifeste l’amitié en soutenant les gens dans leurs entreprises et en leur prêtant main‐forte quand je le peux; et je manifeste le respect en respectant toutes les personnes également, en tant qu’êtres humains. Comme les gens, les établissements peuvent aussi adhérer à ces principes et, ce faisant, commencer à prendre des pas concrets vers une réconciliation constructive.
Auteure
Karine Duhamel (elle) est historienne anishinaabe et membre de la Première Nation d’Opwaaganasiniing (Red Rock) dans le nord-ouest de l’Ontario. Elle est titulaire d’un baccalauréat ès arts et d’un baccalauréat en éducation, ainsi que d’une maîtrise et d’un doctorat en histoire. Elle a été directrice de la recherche pour l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues (ENFFADA) de 2018 jusqu’à la fin de son mandat en 2019. En 2021, elle a reçu le prix Bruce and Lis Welch Community Dialogue Award, décerné par le Simon J. Wosk Centre for Dialogue de l’Université Simon Fraser, pour son travail dans le cadre de l’enquête. En 2021, elle a présidé le groupe de travail sur les données pour le Plan d’action national pour les FF2E+ADA. En 2022, elle s’est jointe au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada à titre de directrice de la Stratégie autochtone, travaillant à la mise en œuvre du plan stratégique des trois organismes afin de mieux soutenir la recherche autochtone et la formation dans ce domaine au Canada. Parallèlement à ses fonctions dans la fonction publique, elle est conférencière officielle de la Commission des relations découlant des traités du Manitoba, boursière autochtone à l’Université Simon-Fraser et adjointe de recherche au Centre de recherche sur les droits de la personne de l’Université du Manitoba.