Les rouages de la réconciliation

Par Karine Duhamel
Publié : le 18 novembre 2016

Un plan rapproché d’une boîte en bois, sur laquelle est sculpté un visage dont la bouche est recouverte d’une main peinte en rouge. Visibilité masquée.

Photo : MCDP, Aaron Cohen

Détails de l'histoire

Lorsque j’étais enfant, je visitais souvent des musées. J’ai été chanceuse de pouvoir voyager avec ma famille et de visiter des espaces d’interprétation d’un bout à l’autre du pays.

Ce qui m’étonnait le plus de ces espaces, c’était l’idée de temps – ou plutôt, d’intemporalité – qui semblait caractériser tous ces objets poussiéreux dans les vitrines. Surtout dans le cas des objets autochtones, les expositions semblaient indiquer que quelque chose de mauvais s’était passé, que les peuples autochtones étaient des cultures du passé. L’histoire que ces vitrines me racontaient, à moi et aux autres visiteurs et visiteuses, était que la culture de ma grand‐mère était morte – et comme les dinosaures, elle appartenait à une autre époque.

Depuis les années 1990, beaucoup de musées réimaginent ces expositions et ces espaces. Ces processus, et le processus plus large encore de repenser les musées, font tous partie d’un vaste mouvement axé sur l’intégration et le profilage des perspectives autochtones en tant que principes vivants et contemporains d’être et de savoir.

En 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) a publié ses Appels à l’action. Ces appels soulignent la façon dont les musées et les archives ont traditionnellement manqué de divulguer des vérités essentielles sur l’histoire. La CVR demande aux musées et aux archives « d’adopter et de mettre en œuvre de façon intégrale la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones… en ce qui touche le droit inaliénable des peuples autochtones de connaître la vérité » sur ce qui s’est passé dans les pensionnats indiens et ailleurs, et pourquoi.

En termes simples, les recommandations de la CVR signifient qu’il est important que les musées soient des lieux où on révèle la vérité et où on prône la réconciliation. Qu’est-ce que ceci veut dire pour le Musée canadien pour les droits de la personne? À titre de chercheure‐conservatrice, je dois continuellement penser à ce que nous allons exposer, mais aussi à comment nous allons nous y prendre. En d’autres mots, comment puis‐je, comme chercheure, m’assurer que les peuples autochtones participent de façon significative et respectueuse aux expositions qui traitent d’eux, et que l’histoire qu’ils veulent raconter est racontée comme ils le veulent? En partie, il faut prévoir davantage de temps pour consulter des personnes, des aînés et des aînées, et des organisations pour savoir ce qui leur importe. De plus, il faut s’assurer de ne pas présenter le sujet comme une histoire finale, mais s’efforcer plutôt de montrer, par tous les moyens, le travail qu’il reste à faire. Et enfin, cette vision veut dire qu’il faut travailler en partenariats pour faire découvrir de nouvelles histoires au public.

C’est avec fierté que le Musée a présenté, en mai 2016, l’œuvre Take the Indian : A Vocal Reflection on Missing Children. Cette œuvre par Andrew Balfour, directeur artistique de Camerata Nova, porte un regard franc sur le pouvoir des mots, non seulement ceux des agresseurs, mais aussi ceux des survivants et des survivantes. Le difficile contenu de l’œuvre est lié aux expériences vécues dans les pensionnats et aux vifs souvenirs de violation. Take the Indian est au sujet de la divulgation de vérités inconfortables et de la nécessité de les connaître. C’est au sujet du passé, du présent et de l’avenir.

Autrement dit, c’est exactement le genre d’œuvre qu’il faut présenter. Pourquoi? Take the Indian n’essaie pas d’enterrer la douleur. Plutôt, elle aborde le passé de front. Elle montre les cicatrices des pensionnats dont les survivants et leurs descendants sont encore marqués. Et, plus important encore, elle aide à expliquer pourquoi, chacun et chacune de nous individuellement, nous ne pouvons pas détourner les yeux. Elle souligne le fait que l’avenir est notre responsabilité à tous et à toutes.

Dans d’autres articles de blogues, j’ai mentionné que la réconciliation est un processus fondé sur l’espoir, et c’est ce que je crois. Mais il est important de garder à l’esprit, comme personne et comme institution, que les connaissances difficiles et les dures vérités font partie intégrante de ce processus. Que quelque chose soit fondé sur l’espoir n’empêche pas la nécessité de réfléchir sur le passé. La CVR a demandé aux musées et aux archives d’ouvrir la voie, et nous nous efforçons de réaliser cette vision.

Les musées peuvent effectivement être des lieux puissants pour aider à comprendre la réconciliation, mais seulement si le processus suivi reconnaît que les musées ont une part de responsabilité dans la fausse représentation, dans le passé, des visions du monde autochtones. Pour le Musée, les appels à l’action signifient que nous devons utiliser de nouveaux processus et de nouvelles méthodes avec les communautés autochtones, poser des questions nouvelles et difficiles, et avoir la volonté de confronter la vérité – pas celle que nous aimerions qui existe, mais celle qui a été vécue et qui continue d’être vécue par des générations de personnes.

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Un plan rapproché d’une boîte en bois, sur laquelle est sculpté un visage dont la bouche est recouverte d’une main peinte en rouge.

Citation suggérée

Citation suggérée : Karine Duhamel. « Les rouages de la réconciliation ». Musée canadien pour les droits de la personne. Publié le 18 novembre 2016. https://droitsdelapersonne.ca/histoire/les-rouages-de-la-reconciliation

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