Nelson Mandela a passé 27 ans en prison pour s’être opposé au régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Soumis à de dures conditions visant à briser sa volonté, il refuse d’abandonner ses tentatives pour réaliser l’égalité pour tous et toutes.
Malgré le terrible sacrifice personnel que constitue l’emprisonnement, Mandela continue à agir en leader et mobilise les autres prisonniers. Après sa libération, il participe aux négociations visant à mettre un terme à l’apartheid et devient le premier président d’Afrique du Sud à avoir été élu démocratiquement.
Voici l’histoire de Nelson Mandela dans son parcours de la prison à la présidence.
Mandela, dans les années 1950. Il était avocat et défendait gratuitement ou pour une somme modique les personnes noires qui défiaient les lois de l’apartheid.
Photo : Getty Images, Jurgen Schadeberg
Pourquoi Mandela a-t-il été emprisonné?
Mandela a été emprisonné parce qu’il s’opposait aux lois de l’apartheid en Afrique du Sud.
Apartheid signifie « séparation », en afrikaans. Les lois du régime apartheid groupent la population sud‐africaine en quatre catégories : personnes blanches/européennes; personnes noires; personnes de couleur ou métisses (de « races mêlées »); et personnes indiennes/asiatiques. La population blanche, qui compte pour 15 % de la population sud‐africaine, est au sommet et détient pouvoir et richesses. La population sud‐africaine noire, soit 80 % de la population du pays, est reléguée tout au bas de la hiérarchie.
De nombreuses personnes en Afrique du Sud défient l’apartheid. Leurs tactiques comprennent des campagnes de désobéissance civile, des grèves nationales et des boycottages. Nelson Mandela se joint à cette lutte dans les années 1940, quand il est jeune avocat. Dans les années 1950, il devient un important leader de la lutte contre l’apartheid.
Des protestataires à bord d’un wagon de train réservé à la population européenne pendant la Campagne de défi, 1952. Dans un geste délibéré de défi, ils tiennent le pouce en l’air en signe de solidarité.
Photo : Getty Images, Bettmann
Le gouvernement sud‐africain répond aux demandes d’égalité et de liberté par la répression et la violence, abattant les personnes non armées qui manifestent, arrêtant et emprisonnant des milliers d’autres personnes à son gré.
L’opposition à l’apartheid avait débuté de manière pacifique, mais Mandela croit maintenant qu’elle ne peut se poursuivre que dans la lutte armée. Avec d’autres, il crée le groupe Umkhonto weSizwe (« Fer de lance de la nation »), aussi connu sous le nom de MK. Mandela passe 17 mois dans la clandestinité, tentant d’obtenir de l’aide pour la lutte armée, mais il est arrêté en 1962. Puis, en 1963, Mandela est traduit en justice pour un certain nombre d’accusations. Avec sept de ses collègues, il est condamné à la prison à vie.
Mandela quittant la conférence All‐In‐Africa, à Pietermaritzburg, 1961. Conférencier‐surprise, il y lance un appel pour une Afrique du Sud démocratique.
Photo : Peter Magubane
Mon idéal le plus cher a été celui d’une société libre et démocratique dans laquelle tout le monde vivrait ensemble en harmonie et avec des chances égales. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et que j’espère accomplir. Mais si nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir.
Nelson Mandela, pendant le Procès de Rivonia, 1964
Rencontre entre Mandela et des combattants algériens de la liberté, Maroc, 1962. Pendant sa clandestinité, il voyage beaucoup en Afrique pour rencontrer d’autres leaders et des groupes qui se battent pour la libération.
Photo : UWC-Robben Island Museum Mayibuye Archives
Prison de l’île Robben
Île Robben, Afrique du Sud, 1995. Les prisonniers sont isolés du monde extérieur, mais peuvent apercevoir Le Cap au loin, avec la montagne de la Table, à quelques kilomètres seulement.
Photo : Getty Images, Oryx Media Archive, Gallo Images
Mandela et ses compatriotes sont envoyés dans une prison à sécurité maximale sur l’île Robben en 1964. Aucune personne blanche n’est emprisonnée sur l’île Robben. Mandela y passe 18 de ses 27 années d’emprisonnement, avec d’autres prisonniers politiques qui sont gardés dans une section distincte.
Mandela raccommodant des vêtements dans la prison de l’île Robben, 1964. Il porte des shorts parce que les prisonniers noirs ne sont pas autorisés à porter des pantalons. Mandela et ses codétenus politiques ont contesté cette règle, et obtenu gain de cause.
Photo : Daily Express London, Cloethe Breytenbach
Sur l’île Robben, les dures conditions de détention visent à briser la volonté des prisonniers. C’est la couleur de la peau qui détermine les droits des prisonniers. Les prisonniers noirs sont moins bien nourris que les prisonniers indiens/asiatiques ou que les personnes de couleur ou métisses (de « races mêlées »). Les hommes noirs sont forcés de porter des shorts et des sandales, même l’hiver, tandis que les hommes indiens et métis peuvent porter des pantalons et des chaussures.
Mandela raccommodant des vêtements dans la prison de l’île Robben, 1964. Il porte des shorts parce que les prisonniers noirs ne sont pas autorisés à porter des pantalons. Mandela et ses codétenus politiques ont contesté cette règle, et obtenu gain de cause.
Photo : Daily Express London, Cloethe Breytenbach
Les pires conditions sont réservées aux prisonniers politiques. Condamnés aux travaux forcés, Mandela et ses compagnons militants passent plus de dix ans à casser des cailloux dans une carrière de chaux. Certains prisonniers sont agressés et torturés par les gardiens.
Le contact avec le monde extérieur est presque totalement coupé. Quand Mandela arrive à l’île Robben, il a droit à une lettre et à une visite de 30 minutes tous les six mois seulement. On lui refuse l’autorisation d’assister aux funérailles de sa mère, décédée en 1968, et de l’un de ses fils, victime d’un accident de voiture en 1969. Il a dû attendre 21 ans pour pouvoir serrer de nouveau sa femme Winnie dans ses bras. Ses deux filles ont dû attendre d’avoir 16 ans pour le voir.
Des panneaux de verre séparent les prisonniers des gens qui leur rendent visite. Ils se parlent par téléphone, devant des gardes qui écoutent le moindre mot. Les lettres sont lourdement censurées; les mots qui ne sont pas de nature strictement personnelle sont biffés à l’encre noire. Quand les prisonniers trouvent un moyen de lire le contenu censuré, les censeurs se mettent à couper de grandes sections, ne remettant aux prisonniers que des lambeaux de lettres.
Des prisonniers brisant des roches à l’île Robben, 1964. Les détenus sont forcés d’effectuer des travaux éreintants. Il est interdit de parler ou de chanter en travaillant.
Photo : Daily Express London, Cloethe Breytenbach
Même si ces précieuses lettres ne vous parviennent pas, je dois quand même persister et continuer à écrire chaque fois que c’est possible […]. C’est un moyen pour moi de vous transmettre mon amour le plus profond et mes bons vœux, et cela calme la douleur aigüe que je ressens quand je pense à vous.
Nelson Mandela, extrait d’une lettre de Nelson Mandela à ses filles Zeni
Malgré ce traitement, les prisonniers de l’île Robben continuent à résister au régime de l’apartheid de mille façons.
Mandela et d’autres prisonniers réclament de meilleures conditions de détention et le respect des droits pour tous les prisonniers, quelle que soit leur race. En 1966, les prisonniers noirs obtiennent le droit de porter des pantalons au lieu de shorts. À force de réclamations, ils arrachent le droit d’avoir un bureau dans leur cellule, de lire et d’étudier, et même de faire un petit potager.
Certificat fait à la main et remis par la Robben Island Amateur Athletic Association.
Photo : UWC-Robben Island Museum Mayibuye Archives
Ils obtiennent aussi le droit de jouer au soccer, au tennis et au volleyball. Des jeux d’été ont lieu dans la prison et les prisonniers sont très fiers d’arriver à organiser des événements et des programmes complexes avec peu de matériel.
La musique devient un autre moyen pour eux d’exprimer et de partager leur humanité. Les prisonniers créent un club de disques et organisent des concerts pour les événements spéciaux et les jours de fête.
Certificat fait à la main et remis par la Robben Island Amateur Athletic Association.
Photo : UWC-Robben Island Museum Mayibuye Archives
Pour nous, la lutte en prison était un microcosme de la lutte globale. Nous luttions à l’intérieur comme nous luttions à l’extérieur. Le racisme et la répression étaient les mêmes; il fallait simplement lutter dans des conditions différentes.
À l’extérieur des murs de la prison de Mandela, les Sud‐Africains et les Sud‐Africaines continuent à résister à l’apartheid. En 1985, sous la pression de plus en plus forte, le gouvernement offre de libérer Mandela, à la condition qu’il renonce à la violence comme outil politique. Mandela rejette l’offre. Sa plus jeune fille, Zindzi Mandela, livre sa réponse lors d’un grand rassemblement à Soweto :
La plus jeune fille de Mandela livrant la réponse de son père à une offre de libération conditionnelle lors d’un grand rallye, Soweto, 1985. Mandela rejette l’offre en des termes puissants.
Photo : Associated Press, Peters
« Quelle liberté m’est offerte alors que l’organisation du peuple demeure interdite? Quelle liberté m’est offerte alors que je risque d’être arrêté parce que je n’ai pas mon passeport intérieur sur moi? Quelle liberté m’est offerte de vivre ma vie de famille alors que ma chère femme demeure exilée à Brandfort? Quelle liberté m’est offerte alors que je dois demander une autorisation pour habiter dans une région urbaine? Quelle liberté m’est offerte alors que je dois faire estampiller mon passeport intérieur pour chercher un emploi? Quelle liberté m’est offerte alors que ma citoyenneté sud‐africaine n’est pas respectée? […] Votre liberté et la mienne sont inséparables. Je reviendrai. »
La plus jeune fille de Mandela livrant la réponse de son père à une offre de libération conditionnelle lors d’un grand rallye, Soweto, 1985. Mandela rejette l’offre en des termes puissants.
Photo : Associated Press, Peters
Mandela est déterminé à atteindre la liberté pour tous les Sud‐Africains et toutes les Sud‐Africaines, et non seulement la sienne. En 1986, il commence à approcher le gouvernement pour voir s’il serait possible de négocier un terme à l’apartheid.
Quatre ans plus tard, le 11 février 1990, le prisonnier politique le plus célèbre du monde est libéré. Il a maintenant 71 ans, mais il reste du travail à faire. Des années de négociations tendues suivent la libération de Mandela. Tout au long de cette période, le pays menace de sombrer dans la violence politique et la guerre civile.
En 1993, l’Afrique du Sud adopte une constitution provisoire qui pave la voie à ses premières élections démocratiques. Mandela et le président d’Afrique du Sud, F. W. de Klerk, reçoivent conjointement le prix Nobel de la paix cette même année.
En 1994 se tiennent les premières élections démocratiques en Afrique du Sud. Une fois le dépouillement des bulletins de vote terminé, Mandela devient le premier président d’Afrique du Sud élu démocratiquement. Il consacrera les dernières années de sa vie à transformer son pays. Il a toujours dit qu’il restait du travail à faire, et que c’était aux générations futures de poursuivre la lutte pour la liberté.
South Africa election, 1994
Des gens faisant la queue pour voter, 1994. Les gens attendent des heures pour pouvoir déposer leur bulletin de vote. La plupart d’entre eux n’avaient encore jamais eu le droit de voter.
Photo : Getty Images, Gallo Images, Raymond Preston
Nelson Mandela déposant son bulletin de vote, 1994. À 75 ans, Mandela devient le premier président d’Afrique du Sud élu démocratiquement.
Photo : Getty Images, Peter Turnley
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La vérité, c’est que nous ne sommes pas encore libres; nous avons seulement atteint la liberté d’être libres, le droit de ne pas être opprimés. Nous n’avons pas encore fait le dernier pas de notre voyage, nous n’avons fait que le premier sur une route plus longue et plus difficile. Car être libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. La véritable épreuve pour notre attachement à la liberté vient de commencer.
Matthew McRae a travaillé au Musée comme chercheur et comme spécialiste du contenu numérique.
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Citation suggérée :
Matthew McRae. « L’histoire de Nelson Mandela ».
Musée canadien pour les droits de la personne.
Publié
le 17 juillet 2018. https://droitsdelapersonne.ca/histoire/lhistoire-de-nelson-mandela