Enfances oubliées

Les pensionnats indiens et leur héritage


Publié : le 20 septembre 2018

Un groupe de garçons en pyjama est agenouillé sur des lits simples, la tête baissée et les mains jointes comme pour prier. Une femme se tient dans la pièce, les mains jointes de la même manière. Visibilité masquée.

Photo : Yukon Archives, Anglican Church, Diocese of Yukon fonds, 86/61 #678

Détails de l'histoire

Des années 1880 aux années 1990, plus de 150 000 enfants métis, inuits et des Premières Nations sont arrachés à leur famille et envoyés dans des pensionnats indiens, souvent situés loin de chez eux. Beaucoup d’élèves souffrent de négligence et d’abus. Des milliers d’enfants meurent.

Plus de 100 pensionnats indiens sont établis au Canada dans presque chaque province et territoire. Le gouvernement du Canada utilise ces écoles, gérées par les Églises catholique et protestante, pour soustraire les enfants à l’influence de leur famille et de leur communauté, et pour les éloigner de leur langue, de leur culture et de leurs croyances.

Le fait d’enlever délibérément et de force des enfants à leur famille dans l’intention de détruire la culture et l’identité autochtones constitue un génocide.

Des rangées d’enfants assis sur de longues banquettes basses dans une grande pièce.

Des garçons dans la salle d'assemblée du pensionnat indien d'Alberni, en Colombie‐Britannique, 1960.

Photo : Archives de l’Église Unie du Canada, Toronto. 93.049P/432

Le réseau d’écoles appuyées par le gouvernement fédéral est créé dans le but de détruire les familles, les communautés et les modes de vie autochtones, et d'assimiler les enfants autochtones dans la culture européenne. Ainsi, pendant plus de 100 ans au Canada, les enfants des Premières Nations et des peuples métis et inuit ont été privés de l’amour et de l’attention de leur famille.

Assimilation et perte d’identité

Dès leur arrivée au pensionnat, les enfants autochtones sont obligés d’adopter les coutumes, la langue et la culture de la société européenne. Les responsables de l’école leur enlèvent leurs effets personnels ou autres articles qu’ils ont apportés avec eux. Les enfants ne peuvent pas porter leurs propres vêtements. Il leur est interdit de parler leur propre langue autochtone. Porter les cheveux longs n’est pas permis, bien que les cheveux longs tressés sont importants sur le plan culturel pour beaucoup de personnes autochtones. Les enfants sont complètement coupés de leur mode de vie habituel.

Thomas Moore Keesick à l'école industrielle autochtone de Regina. (Photo : Saskatchewan Archives Board, R-A8223-1 [à gauche], R-A8223-2 [à droite] Visibilité masquée.

Je veux me débarrasser du problème des Indiens… Notre objectif est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Indien au Canada qui n’ait pas été intégré à la société…

Duncan Campbell Scott, surintendant adjoint des Affaires indiennes, 1913-1932

Thomas Moore Keesick à l'école industrielle autochtone de Regina.  Photo : Saskatchewan Archives Board, R-A8223-1 [à gauche], R-A8223-2 [à droite]

L'héritage des pensionnats

Le film Enfances oubliées : Les pensionnats indiens et leur héritage comprend des témoignages de survivants et de survivantes au sujet des pensionnats indiens, de la rafle des années soixante et du système de protection de l'enfance. Dans les années 1960, le gouvernement canadien continue à intervenir dans la vie des familles autochtones en enlevant les enfants et en les plaçant dans des foyers non autochtones. Encore aujourd'hui, les enfants autochtones sont plus susceptibles d'être placés en foyer d'accueil ou en institution que les autres enfants canadiens.

Video : Enfances oubliées: Les pensionnats indiens et leur heritage

C’est la raison pour laquelle je voulais raconter mon histoire – pour que les jeunes sachent – et il faudra le répéter, le répéter et le répéter encore – pour qu’ils comprennent pourquoi nous sommes comme nous sommes. Il faudra que beaucoup de générations se succèdent avant que notre peuple ne redevienne entier et guérisse. 

Mary Courchene

Video : Mary Courchene

Mary Courchene, survivante du système des pensionnats, explique à quel point les traumatismes ont touché plusieurs générations de son people. Séquence vidéo gracieuseté de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Les survivants et survivantes s’expriment

Les survivants et survivantes ont travaillé pendant de longues années pour faire connaître leurs expériences, ce qui a entraîné une reconnaissance accrue de ce qui s’est passé dans les pensionnats indiens. Le travail et le courage de ces personnes, des communautés et des organisations autochtones ont mené à la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, en 2006. Cette convention entre le gouvernement du Canada et les anciens élèves des pensionnats comprend des dispositions en matière d’indemnisation ainsi que l’établissement de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. La Commission a pour mandat de documenter les expériences des survivants et survivantes et de les préserver.

Les excuses officielles du gouvernement du Canada

Le mercredi 11 juin 2008, le premier ministre Stephen Harper présente des excuses officielles aux anciens élèves des pensionnats indiens au nom du gouvernement du Canada. Des centaines d’anciens élèves, de représentants d’Église et de leaders autochtones sont présents dans les tribunes de la Chambre des communes pour entendre la présentation des excuses. En voici un extrait :

Aux quelque 80 000 anciens élèves toujours en vie, ainsi qu'aux membres de leurs familles et à leurs communautés, le gouvernement du Canada admet aujourd'hui qu'il a eu tort d'arracher les enfants à leurs foyers et s'excuse d'avoir agi ainsi. Nous reconnaissons maintenant que nous avons eu tort de séparer les enfants de leur culture et de leurs traditions riches et vivantes, créant ainsi un vide dans tant de vies et de communautés, et nous nous excusons d'avoir agi ainsi. Nous reconnaissons maintenant qu'en séparant les enfants de leurs familles, nous avons réduit la capacité de nombreux anciens élèves à élever adéquatement leurs propres enfants et avons scellé le sort des générations futures, et nous nous excusons d'avoir agi ainsi. Nous reconnaissons maintenant que, beaucoup trop souvent, ces institutions donnaient lieu à des cas de sévices ou de négligence et n'étaient pas contrôlées de manière adéquate, et nous nous excusons de ne pas avoir su vous protéger. Non seulement vous avez subi ces mauvais traitements pendant votre enfance, mais, en tant que parents, vous étiez impuissants à éviter le même sort à vos enfants, et nous le regrettons.

Le fardeau de cette expérience pèse sur vos épaules depuis beaucoup trop longtemps. Ce fardeau nous revient directement, en tant que gouvernement et en tant que pays. Il n'y a pas de place au Canada pour les attitudes qui ont inspiré le système de pensionnats indiens, pour qu'elles puissent prévaloir à nouveau. Vous tentez de vous remettre de cette épreuve depuis longtemps, et d'une façon très concrète, nous vous rejoignons maintenant dans ce cheminement. Le gouvernement du Canada présente ses excuses les plus sincères aux peuples autochtones du Canada pour avoir si profondément manqué à son devoir envers eux, et leur demande pardon.

Nous le regrettons
We are sorry
Nimitataynan
Niminchinowesamin
Mamiattugut

— Le très honorable Stephen Harper, premier ministre du Canada

Honorer la vérité

Pendant six ans, la Commission de vérité et réconciliation sillonne le pays pour découvrir la vérité relative au système des pensionnats. À l’occasion d’événements nationaux, d’audiences communautaires, de forums et de dialogues, la Commission entend les témoignages de personnes autochtones qui ont été arrachées à leur famille et ont passé une bonne partie de leur enfance en pensionnat.

Deux hommes et une femme assis devant un arrière-plan blanc décoré de flammes stylisées. À leur droite, on voit une bannière verticale sur laquelle on peut lire « Truth & Reconciliation Commission of Canada ». et devant eux se trouve une boîte rectangulaire en bois sculpté. Sur le côté qui fait face à l'objectif, on voit un visage rond qui pleure.

(De g. à d.) Le chef Wilton Littlechild, le sénateur Murray Sinclair et Marie Wilson, Ph. D., commissaires, écoutent des témoignages en 2011. La Commission de vérité et réconciliation permet aux survivants et aux survivantes de raconter leurs histoires et d’exposer les faits au sujet des pensionnats indiens. 

Photo : La Presse Canadienne, Andrew Vaughan

La Commission publie son rapport final en 2015. Selon les conclusions du rapport, le Canada a commis un génocide culturel en tentant de détruire les structures et les pratiques qui permettaient aux Autochtones de s’identifier comme groupe. Dans le but d’empêcher la transmission des valeurs culturelles et des traditions d’une génération à l’autre, les écoles interdisaient les pratiques spirituelles et l’utilisation des langues autochtones, et perturbaient les familles en déplaçant les enfants dans des écoles loin de leur communauté d’attache.

Reconnaître le génocide

Les preuves recueillies par la Commission de vérité et réconciliation, y compris les témoignages de survivants et de survivantes des pensionnats, ont suscité des discussions au Canada sur la façon dont l’expérience autochtone des pensionnats indiens va dans le même sens que le génocide.

La définition de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide des Nations Unies définit le génocide comme suit : « l’un quelconque des actes ci‐après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) meurtre de membres du groupe;

b) atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;

c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

e) transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »

L’expérience autochtone des pensionnats indiens est conforme à la définition de génocide. Le transfert forcé d’enfants arrachés à leur famille puis placés dans des pensionnats, coupés de leur famille et de leur communauté, dans l’intention de détruire les liens familiaux et communautaires et les modes de vie autochtones, constitue un génocide.

Les survivants et survivantes des pensionnats vivent avec les séquelles du traumatisme. Mais ce traumatisme est aussi intergénérationnel. Quand les personnes qui s’occupent d’un enfant ont subi les effets d’un système génocidaire, le traumatisme est transmis à l’enfant.

Stewart Phillip, grand chef de l’Union of British Columbia Indian Chiefs

Un homme âgé vêtu d'une chemise à carreaux et d'accessoires autochtones traditionnels est assis dans une foule. Il a les bras pliés aux coudes et les mains levées, ouvertes l’une face à l’autre.

Le chef William Walker, survivant d’un pensionnat indien, écoute des témoignages pendant l’événement national de la Colombie‐Britannique de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, à Vancouver. 

Photo : La Presse Canadienne, Darryl Dyck

Avancer dans un esprit de réconciliation

La Commission de vérité et réconciliation documente la vérité au sujet des pensionnats indiens, mais elle se tourne aussi vers la réconciliation et l’avenir. Pour la Commission, la réconciliation consiste à établir et à maintenir une relation de respect réciproque entre les peuples autochtones et non autochtones au Canada.

Un groupe de personnes entoure la boîte de bois cintré de la Commission de vérité et réconciliation. Les personnes sont penchées vers la boîte et tendent la main pour placer une valise dans la boîte.

À l'âge de 8 ans, Marcel Petiquay arrive au Pensionnat indien d'Amos avec sa valise. Il a fait don de cette valise à l'événement national de la Commission de vérité et réconciliation à Québec, en avril 2013.

Photo : Archives du Centre national pour la vérité et la réconciliation, PHQNE_01288

La Commission a déterminé que quatre choses doivent concourir pour que la réconciliation se concrétise. Il faut :

  • prendre conscience du passé;
  • reconnaître les torts qui ont été causés;
  • expier les causes;
  • agir pour changer les comportements. 


La Commission a lancé 94 appels à l’action afin de remédier aux séquelles laissées par les pensionnats et de faire avancer le processus de réconciliation au Canada. Certains de ces appels à l’action demandent la participation des gouvernements, des établissements d’enseignement et des musées, mais la réconciliation peut aussi commencer avec de petits gestes.

Au‐delà des appels à l’action, la Commission note dans son rapport final que « les musées occupent une place privilégiée pour contribuer à une éducation en vue de la réconciliation. » Le Musée s’engage pleinement à assumer cette responsabilité. Aujourd’hui, nous reconnaissons le génocide commis contre les peuples autochtones du Canada dans nos programmes éducatifs, dans nos programmes publics, en ligne et dans nos expositions. Nous sommes déterminés à dire les vérités difficiles au sujet de l’expérience des pensionnats indiens et de ses effets continus, afin de faire avancer le processus de réconciliation.

Ry Moran, directeur du Centre national pour la vérité et la réconciliation, situé à Winnipeg, au Manitoba, indique que, pour que nous progressions vers la réconciliation, il faut que les droits des personnes autochtones soient mieux compris.

Video : Ry Moran

Extrait d'un entretien avec Ry Moran

La réconciliation, c’est toujours au sujet des relations. Il s’agit de rétablir l’équilibre dans les relations des peuples Autochtones et non-Autochtones. Sur le plan individuel, les gens me demandent souvent : “Que puis-je faire?” Ma réponse est toujours la même : “Examinez vos croyances, vos comportements et vos façons de penser, puis changez cela.”

Sénateur Murray Sinclair, président de la Commission de vérité et réconciliation du Canada

Questions de réflexion

  • Est‐ce que je reconnais les torts commis dans les pensionnats indiens?

  • Ai‐je lu les 94 appels à l’action?

  • Quels gestes puis‐je poser pour contribuer à la réconciliation?

Explorer ce sujet

Pensionnats pour Autochtones du Canada

Dans ce guide, vous trouverez des liens vers des ressources liées au système des pensionnats et aux histoires des enfants qui ont été enlevés à leur famille et envoyés dans des pensionnats.

Une exposition muséale montrant une photo en noir et blanc d’enfants assis à des pupitres placés en rangées. Deux pupitres semblables à ceux qu’on voit dans la photo sont placés au centre de l’exposition. Sur un panneau de texte, on peut lire « Enfances oubliées ».

Pourquoi la réconciliation ? Pourquoi maintenant ?

Par Karine Duhamel

Depuis la publication du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation en 2015, de plus en plus de Canadiens et de Canadiennes semblent adhérer à l’idée de réconciliation.

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Visages sculptés en bois.

La réconciliation : un mouvement d’espoir ou de culpabilité ?

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Dans mon dernier article, j’ai parlé de la réconciliation comme une invitation à créer un avenir nouveau pour tous et toutes, un chemin vers une vie meilleure autant pour les Autochtones et que pour le reste des Canadiens et des Canadiennes.

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Visages sculptés en bois.

Les rouages de la réconciliation

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Lorsque j’étais enfant, je visitais souvent des musées. J’ai été chanceuse de pouvoir voyager avec ma famille et de visiter des espaces d’interprétation d’un bout à l’autre du pays.

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Un plan rapproché d’une boîte en bois, sur laquelle est sculpté un visage dont la bouche est recouverte d’une main peinte en rouge.

Aborder les histoires des peuples autochtones

Par Karine Duhamel

Le présent blogue met l’accent sur la création et le développement du contenu qui explore les histoires au sujet de personnes autochtones dans notre pays. Pour raconter ces histoires liées aux droits de la personne, le Musée a fait participer des communautés et des personnes dans un processus visant à exposer la vérité.

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Un plan rapproché d'une boîte sculptée, où on voit le visage une personne contre un fond blanc.

Vérité et réconciliation : quelle sera la suite ?

Par Karine Duhamel

La présente série d’articles de blogue porte sur la façon dont nous présentons le contenu autochtone et abordons la réconciliation au Musée.

Mots-clés :

Un plan rapproché d’une boîte en bois, sur laquelle est sculpté un visage dont la bouche est recouverte d’une main peinte en rouge.

Citation suggérée

Citation suggérée : . « Enfances oubliées ». Musée canadien pour les droits de la personne. Publié le 20 septembre 2018. https://droitsdelapersonne.ca/histoire/enfances-oubliees